Creuser jusqu’en Chine pour des pilules.

Je ne veux pas être alarmiste, ou inquiéter inutilement quiconque. Reste que la saga de la contamination du Valsartan, un médicament pour traiter l’hypertension artérielle (HTA), met la lumière sur un phénomène très préoccupant dans le domaine de la santé: la course vers le bas. C’est à dire, essayer de nous traiter tous, pour le moins cher possible.

Un rappel qui a fait jaser

Les médias se sont empressés de crier fort que les pilules pour la pression donnent le cancer. Je ne serais pas surpris que l’on réalise, au cours des prochains mois, que plusieurs personnes souffrant d’HTA ont cessé leurs médicaments, peu importe lequel! Vivement le ton alarmiste des médias! Ceci aura tout de même mis la table pour le sujet principal de cet article.

Pour ceux qui ne seraient pas au courant, le problème en question est le suivant. Cet été, la très grande majorité des lots du médicament générique appelé VALSARTAN a été rappelée suite à un contrôle de qualité qui a révélé la présence de NDMA. Cette substance était présente à la hauteur d’environ 60 PPM, au delà du seuil auquel elle est considérée cancérigène. Et non, ce n’est pas du MDMA (le nom chimique de l’Ecstasy), sinon j’ai l’impression que certains n’auraient pas été aussi rapides à les ramener à la pharmacie, au beau milieu des vacances!

Si jamais vos pilules de pression deviennent multicolores et arborent de drôles de logos, veuillez les ramener à la pharmacie SVP.

Un risque relativement faible

En septembre, quelques semaines après ce retrait, Santé Canada a précisé son estimation du risque de cancer lié à la prise du Valsartan contaminé. En bref, les patients hypertendus ayant pris 320mg par jour durant 3 ans ont un risque majoré d’environ 1 sur 10 000 de développer un cancer. Pour ceux qui ne prenaient que la plus petite dose de 40mg, le risque est plus proche de 1 sur 100 000. Ce n’est relativement pas trop inquiétant, et dans tous les cas, le risque de ne pas bien contrôler sa tension artérielle aurait été bien plus préoccupant. Ne cessez aucun médicament sans valider avec votre pharmacien ou médecin d’abord!

Dose de valsartan (mg/jour)
contenant 60 ppm de NDMA
Estimation des risques
40 1 cas supplémentaire pour 93 400 personnes
80 1 cas supplémentaire pour 46 700 personnes
160 1 cas supplémentaire pour 23 300 personnes
320 1 cas supplémentaire pour 11 600 personnes

Autrement dit, on l’a quand même échappé belle.

Mais que se cache-t-il derrière cette découverte? Combien y’a-t-il d’autres ingrédients contaminés qui entrent dans la fabrication de nos médicaments et qui ne seront détectés que dans 3 ans (ou peut-être plus si le Parti Conservateur ou le futur parti de Mad Max est élu en octobre 2019!)

Dans le cas du Valsartan, même si plusieurs versions du génériques étaient fabriquées et offertes aux pharmaciens, la matière première provenait du même endroit, l’usine de Zhejiang Huahai Pharmaceuticals, une usine située en Chine. Sous la pression financière grandissante exercée entre autres par les limites de prix fixés par le gouvernement, les fabricants de médicaments cherchent tous les moyens de maintenir leur rentabilité. Ceci les mènent eux-mêmes à exercer une pression sur les fournisseurs de matières premières. Une course vers le bas qui nous mène… chez Dollorama. Oups, en Chine je veux dire. On pourrait même dire, chez Dollopharma, comme Bertrand Bolduc, président de l’OPQ, nous l’annonçait il y a quelques années.

Alors, comme je me l’imaginais étant plus jeune, lorsque l’on creuse sans fin, c’est bel et bien en Chine que l’on aboutit!

Allons-y tous ensemble. © https://9gag.com/

Je n’ai rien contre la Chine, en général. Or, nous savons tous que, via leurs politiques, stratégies commerciales et la manipulation de leur monnaie, la Chine, comme d’autres pays assoiffés de croissance économique, s’assure de s’accaparer tout le travail que les autres ne parviennent plus à accomplir sous la pression économique de la course vers le bas. Même si ça passe par des conditions de travail déplorables.

Peut-on douter du résultat qui sort de la machine chinoise?

Pas la faute des génériques

Le réflexe de bien des gens devant une telle situation sera de pointer du doigt les compagnies génériques. Bien sûr, il vaudrait mieux que celles-ci redoublent de vigilance lorsqu’ils choisissent leurs fournisseurs ou délèguent du travail. Mais elles ne font que réagir normalement sous la pression qui leur est imposée. Si vous avez un fonds de pension, vous avez surement des actions d’une pharmaceutique, indirectement. Et vous avez envie du rendement de 5% que vous avez vu dans le prospectus remis par votre conseiller. Si c’est le cas, vous êtes en partie coupable. Autant que le PDG de Novartis qui, après tout, travaille fort (et est très – trop? – bien payé) pour vous avoir ce beau rendement.

Et les compagnies dites « novatrices »? Elles ne sont pas très bien placées pour critiquer les génériques. En effet, lorsque les médicaments ne sont plus rentables, elle ne font que quitter le marché, en laissant parfois des patients sans options adéquates pour leur traitement. Et l’ironie du sort, dans le cas qui nous concerne; la firme générique SANDOZ qui a du rappeler presque tout son Valsartan, est détenue par la firme novatrice NOVARTIS.

On a bien souvent voulu me convaincre, à demi-mot, que ceci constituant un gage de « qualité supérieure » des médicaments génériques produits par Sandoz…

Pour en revenir au Québec

Si vous roulez sur nos autoroutes de temps en temps, vous constatez régulièrement les résultats des appels d’offres, des pressions financières, de la course vers le bas. Bien sûr, le budget est limité. Mais pourrait-on avoir une vision plus globale du système de santé?

Si quelques dollars ont été sauvés en achetant du Valsartan chinois, ils sont déjà perdus, ça ne fait aucun doute.

  • Perte de temps des professionnels à clarifier la situation auprès des patients.
  • Angoisse, stress chez les patients.
  • Inobservance qui mènera à des complications, des abandons de traitement, de la perte de confiance envers le système.
  • Consultations médicales supplémentaires, car il faudra ajuster la dose de tous ceux qui ont dû changer de médicament.
  • Et les coûts de soigner le ou les québécois qui seront possiblement affligés d’un cancer dû au NDMA!

Perte de temps pour le pharmacien

Je n’ai pas mis ce point dans la liste, parce que tous les pharmaciens ont dû gérer cette crise sans rémunération. Évaluer la situation, juger de la meilleure option, prescrire un nouveau médicament, et assumer la responsabilité de celui-ci, du moins jusqu’au prochain rendez-vous médical. Sans être payé, et sans avoir le droit de charger. La prochaine entente des pharmaciens prévoit une rémunération pour cet acte, au moins. Mais attention, c’est le patient, via son régime d’assurance et une coassurance, qui devra payer pour cet acte! Donc si votre pilule chinoise pas chère est retirée, il faudra payer pour la faire remplacer! Un bon deal, Dr Barrette!

J’ai un bon deal pour vous: allez donc regarder des radiographies pour 500 000$ par année, essayer de trouver les quelques cancers causés par le NDMA.

Il ne faut pas rêver, le système de santé est et restera un puits dont le fond est très, très creux. Je m’attend cependant à une vision plus créative et globale du système de la santé de la part de nos politiciens. Déléguer plus d’actes aux autres professionnels. Repenser la façon dont le formulaire de médicament est conçu. Investir dans la santé préventive, quitte à trouver des mesures incitatives pour les gens.

Et surtout, j’ai envie d’entendre parler de ça d’ici le 1er octobre 2018, car au moins le 3/4 de mon vote en dépend! Car si je m’en fie aux candidats, on est en train de tasser les médecins spécialistes pour des fonctionnaires. Est-ce le meilleur choix?

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