Le jeu infini de la pharmacie

Il y a maintenant plus d’une quinzaine d’années que je faisais ma première incursion de l’autre côté du comptoir d’une pharmacie de quartier. À ce moment, je n’étais pas très sensible aux enjeux économiques du milieu. Tout allait plutôt bien, et à vrai dire, je crois que l’économie des pharmacies n’inquiétait personne!

L’arrivée de chaque nouveau médicament générique représentait des marges de profit colossales pour les fabricants, représentants et les pharmaciens. J’ai d’ailleurs le souvenir d’un tirage de iPod (à l’ère pré-iPhone) pour l’ATP ayant converti le plus de patients du Fosamax vers l’alendronate! C’était une autre époque où la profession était très lucrative, et j’ose dire, beaucoup plus simple!

Les excès ont mené à des décisions politiques de couper dans le gras. L’initiative était justifiée. La façon de faire, par contre, aura été maladroite et caractérisée par un manque de vision quant à l’importance de l’implication des pharmaciens et de leurs partenaires dans la première ligne de soins de santé. On aurait pu s’attendre à mieux en élisant des médecins pour nous gouverner. Mais il semble que ceux-ci ne soient pas tous si bien informés de la réalité vécue par les professionnels gravitant autour d’eux. En fait, la première ligne, c’est un peu comme le système solaire: autour des médecins gravitent une dizaine de professions qui dépendent de ceux-ci mais qui ne se côtoient jamais vraiment!

La conséquence de ces années d’extrêmes et de manque de vision est que le « jeu » de la pharmacie a bien changé. La rigueur est maintenant de mise à tous les niveaux. Les pharmacies sont gérées beaucoup plus activement, les banques sont plus prudentes et les bannières auxquelles elles sont affiliées se comportent comme il se doit lorsqu’on fait partie du « Fortune 100 » canadien.

Les pharmacies sont donc passées de mines d’or sans fond à des sables bitumineux: rentables lorsque bien gérées et lorsque l’économie du secteur se porte bien! Cette nécessaire diligence implique de se conduire tel un bon MBA. Il faut mesurer, planifier, intervenir et faire le suivi. Chaque objectif doit être SMART; les tirages de iPod sont bien loin derrière!

Évitons de devenir hors-jeu

D’abord et avant tout, je suis professionnel de la santé. La valeur que je dois créer, c’est donc de la santé. Or, la réalité du monde des affaires me rattrape tous les jours et je réalise que l’état des choses de ce côté n’est pas nécessairement plus enviable.

Symptôme de cet état de santé inquiétant: la durée de vie moyenne d’une compagnie parmi le groupe S&P 500 a diminué d’environ 40 ans depuis les années 50. Autrement dit, la longévité moyenne de ces grosses entreprises est passée d’environ 60 ans à moins de 20 ans!

Je ne veux pas subir le même sort, alors qu’arrive-t-il à ces entreprises? Le réflexe commun est de pointer du doigt l’évolution rapide et incessante des technologies, notamment en ce qui concerne les communications et la puissance des processeurs modernes. Mais peut-on vraiment lui attribuer le malheur de toutes ces défuntes entreprises, telles que Kodak, Nokia, Yahoo, Polaroid, Blockbuster?

Qui plus est, les générations précédentes ont elles aussi été confrontées à des innovations! Des chemins de fer jusqu’au velcro, en passant par le micro-onde et l’automobile, le siècle dernier en entier fut bien rempli d’innovations. Ceci n’aura pas empêché certaines compagnies de devenir centennaires, telles que IBM ou GE. Et ce, même si le secteur d’activité qui leur est propre ait subi des révolutions complètes!

Créer de la valeur au bon endroit

Lorsqu’une entreprise disparaît, la cause n’est généralement pas les cartes qui lui ont été servies; c’est plutôt la stratégie de jeu pour laquelle elle a opté. L’égo, l’orgueil et la gourmandise peuvent être fatals. Les PDGs d’entreprises, bien souvent d’anciens CFOs, savent exactement quoi faire pour créer rapidement de la valeur pour les actionnaires. Ils sont prêts pour une bataille qui se chiffre en dollars et en trimestres.

Bien de ces PDGs, de par la nature de leurs expérience, formation et rémunération, sont plus axés sur le court terme que sur la partie infinie dans laquelle leur entreprise doit se défendre. Pas surprenant, car celle-ci dépasse l’horizon de leurs carrières. Or, c’est en se préparant pour une partie sans fin que peut surgir l’ultime stratégie: la création de valeur pour le client.

Simon Sinek l’illustre bien dans son nouveau livre et Robert Green en fait aussi mention dans ce classique.  Intégrons cette sagesse dans nos entreprises de la première ligne en santé, car dans notre univers, tout comme dans le milieu des affaires, la partie n’arrête jamais!

La partie continue

De nouveaux territoires vacants apparaissent et sont appelés à être contestés: droit de prescrire ou vacciner, médicaments de spécialité, distribution de médicaments, cannabis, santé numérique… De nouvelles batailles débutent avant que d’autres soit terminées. Viser trop ardemment à devenir le « gagnant » d’une de ces catégories, c’est mettre en péril sa capacité future de s’adapter. Notre jeu n’aura jamais de gagnant ni de score final. Certes, il y aura toujours des bilans, des états financiers et des classements. Mais ces indicateurs sont-ils réellement un gage que nous créons suffisamment de valeur pour justifier notre place autour de la planche de jeu?

Chaque chaîne, distributeur, et chaque pharmacien propriétaire est maintenant redevable de répondre à des attentes financières. Nous voulons tous les atteindre afin de nous considérer victorieux. Je souhaite à tous d’atteindre, et même de dépasser ces attentes. Mais aucun de nous ne doit se proclamé gagnant. Au contraire, chaque année qui passe, chaque passage sur la case GO doit être un rappel que nous prenons part à un jeu sans fin.

Avec cet horizon de temps en tête, tout est possible!

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2 avis sur « Le jeu infini de la pharmacie »

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