Cuire ou ne pas cuire?

En 1976, Rocky Balboa avalait des œufs crus dans son shake matinal, alors qu’il semblait encore à moitié endormi. Malheureusement, ça ne lui a pas permis de vaincre Apollo Creed dans Rocky 1… aurait-il dû se faire des omelettes à la place?

Cuire est unique

Cuire nos aliments est peut-être l’ultime caractéristique qui nous différencie des autres espèces. Aucun autre animal ne s’adonne à cette activité. Un anthropologiste de Harvard, Richard Wrangham, s’est penché sur la question dans son livre « Catching Fire ». Selon son « hypothèse de la cuisson », ce n’est pas le language ou la fabrication d’outils et d’armes qui ont fait passé notre espèce au niveau supérieur. C’est plutôt la cuisson qui a mené au développement de plus gros cerveaux et de plus petits intestins chez nos ancêtres.

Comment?

Car une fois cuits, les aliments fournissent plus d’énergie et plus facilement (grâce à moins d’efforts nécessaires de la part de notre système digestif). En comparaison, les primates qui nous ressemblent le plus, mais qui ne cuisent pas leurs aliments, doivent passer jusqu’à 6 heures par jour à mastiquer... Presqu’un travail à temps plein!

La science derrière la cuisson

Généralement, la cuisson par la chaleur scinde les sucres complexes de plusieurs légumes et lentilles, ce qui permet d’absorber plus de cette énergie. Dans certains cas, tels que les asperges, les patates, les choux et les lentilles, la cuisson les rend plus digestes. Lorsque consommés crus, les sucres complexes non-absorbés transitent péniblement dans le système digestif et peuvent causer des ballonnements, des gaz et des crampes.

La cuisson par la chaleur, de même que la fermentation, augmentent aussi l’absorption de minéraux tels que le zinc, le fer et le magnésium, en inactivant des facteurs anti-nutritionnels. À cause de la forte affinité chimique de ces facteurs, ils « capturent » les minéraux et les rendent impossibles à absorber. Pour certains peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, cette notion est d’une importance majeure car les lentilles constituent une source importante de nutriments.

Meilleures, les protéines crues?

Ce que Rocky recherchait en avalant une demi-douzaine d’œufs crus, c’était une bonne dose de protéines. Est-ce que ça en valait la peine? Probablement pas. Le contenu protéinique d’un œuf cru bien liquide et translucide ne semble pas mieux absorbé qu’un œuf tourné ou brouillé. Au contraire, la cuisson semble favoriser une meilleure absorption, quoi qu’elle puisse peut-être la ralentir un peu.

Même chose pour la viande.

En pensant à nos lointains ancêtres, l’image qui nous vient en tête serait plutôt d’un bonhomme poilu qui prend une grosse bouchée dans une cuisse de dindon sauvage à peine déplumée.

Une bonne cuisse de dinde de Disney World… oui elle est cuite! (fumée)

Mais la réalité, c’est que ceux-ci sont ultimement arrivés au même constat. La cuisson à la chaleur augmente l’absorption des protéines, jusqu’à un certain point. En les chauffant, les protéines sont dénaturées (dépliées), ce qui expose les sites de clivage faciles pour nos enzymes digestives. Elles peuvent donc être brisées en petits blocs et absorbés plus aisément. Mais au-delà d’une certaine température, les protéines bougent trop et deviennent chiffonnées, ce qui réduit l’accessibilité aux sites de clivage pour nos enzymes. Faire cuire, c’est donc bon pour la santé. Mais gare à ne rien brûler, car ceci détruira des protéines et augmentera la formation de composés cancérigènes!

Plus sécuritaire?

Il ne faudrait pas passer sous silence la possible présence de bactéries ou de parasites dans nos assiettes. Cependant, la différence selon les aliments est considérable. Jusqu’à 25% des poulets destinés à la consommation directe pourraient être contaminés par une souche de salmonelle, alors que c’est le cas pour seulement un œuf sur 30 000.  Restons vigilants cependant, car par le passé, la coquille des œufs a souvent été un vecteur de transmission de la bactérie.

Conclusion

Tout compte fait, la cuisson à la chaleur permet de tirer le maximum de nos aliments et de les rendre plus sécuritaires. Je ne suis pas trop fan du régime crudivore pour cette raison. En fait, un tel régime rend la digestion beaucoup plus difficile, inefficace et même plus dangereuse. Il est clair que l’être humain n’a pas été conçu pour une telle alimentation. En comparaison, une vache a 4 estomacs et passe le plus clair de son temps à mâcher… pas trop pratique!

Et que dire de l’aspect social de la cuisson? Avant les poêles, les fours et les micro-ondes, la préparation d’un repas impliquait obligatoirement de longues heures passées autour du feu. Le contexte parfait pour que nos lointains ancêtres perfectionnent l’art de socialiser, sans lequel les fondements de notre société n’auraient jamais vu le jour. Voilà un sujet fascinant que Michael Pollan aborde dans son livre Cooked.

BONUS!

Comment éviter la confusion, la honte et la déception au resto à déjeuner. © 1995 A Goofy Movie.

Tant qu’à parler d’œufs, voici l’information à savoir pour ne pas figer devant la serveuse au resto, comme je l’ai fait quelques fois. Peut-être suis-je le seul à ne pas encore bien maîtriser les types de cuisson? Peu importe, il devrait être obligatoire pour les serveuses de porter un t-shirt avec cette légende!

Oeuf miroir = Sunny side up

Oeuf tourné (jaune liquide ou pas)

Oeuf brouillé = Scrambled

Oeuf poché (ce qu’il y a dans les œufs bénédictines)

Oeuf à la coque (encore mou)

Oeuf cuit dur

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