Le livre « Hard Things about Hard Things » est paru en 2014. Il a été écrit par Ben Horowitz, qui est connu pour la société de capital-risque qu’il a co-fondé, « Andreessen Horowitz ». Cette société a réalisé de nombreux investissements rentables au fils des années, incluant Facebook, Airbnb, GitHub, Lyft, Slack et Coinbase.
Il est toujours très rafraichissant de lire un tel ouvrage dans lequel un individu ayant eu beaucoup de succès dans son domaine partage ses expériences, ses doutes et ses leçons apprises. Il est particulièrement intéressant de découvrir les envers du succès, les vulnérabilités ainsi que les détails parfois anodins d’événements marquants de leur parcours.
Voici les faits saillants que j’ai retiré du livre:
Les fleurs, ce n’est pas cher. Savez-vous ce qui est cher? Un divorce
Le bien de certains individus doit parfois être sacrifié pour le bien de l’entreprise dans son ensemble
Garder ceci en tête lorsque vient le temps de prendre des décisions difficiles, comme congédier des employés ou annoncer des mauvaises nouvelles
Prendre les décisions requises pour éviter que l’entreprise tombe dans un cercle vicieux difficile à arrêter: la valeur de l’entreprise décline, les meilleurs employés quittent, et la descente se poursuit
Donner de la rétroaction trop « édulcorée » à des employés peut être prise que de ne pas en donner du tout. Ne pas chercher à éviter à tout prix les discussions difficiles qui doivent avoir lieu.
Être une bonne entreprise est une fin en soi
Dans sa forme idéale, la rétroaction consiste en un dialogue
Dans quelle mesure est-il facile pour un employé au sein de l’organisation de contribuer à la mission? Ceci est un indicateur du succès d’un PDG.
Dans une organisation bien gérée, les gens peuvent se concentrer sur leur travail plutôt que sur la politique.
De plus, les employés de ces entreprises croient que s’ils effectuent bien leur travail, de bonnes choses leur arriveront, ainsi qu’à leur entreprise.
La vie est un combat. « Life is a struggle »
Dans cette citation se trouve la leçon la plus importante en entrepreneuriat
Accueillir les défis et le combat à bras ouvert, avec détermination, est la clé du succès.
Ce sont des leçons et conseils très axés sur la réalité des gestionnaires et exécutifs au sein de start-ups et d’organisations en croissance. Dans ces organisations, les décisions prises par les exécutifs peuvent avoir des impacts significatifs sur la direction que prendra l’entreprise.
Le mot de la fin de Ben Horowitz est le suivant: mettez de l’avant votre unicité, votre expérience, votre bagage et même les façons dont vous êtes un peu bizarres. La clé de votre succès s’y trouve.
Depuis une dizaine d’années, le sujet des données de santé a souvent fait l’actualité.
Il est fascinant de constater les impacts et les ramifications qu’ont eu différentes sphères d’activité sur cette évolution:
les technologies émergentes (infonuagique, mobile, actimétrie, blockchain)
la politique
la stratégie des grandes entreprises en technologie (GAFAM)
le modèle des soins de santé, notamment la vague de « Value-Based Health-Care » ou des soins axés sur la valeur
les fournisseurs de solutions logicielles pour cliniciens (HL-7 FHIR)
le milieu de la recherche et des études cliniques.
Aujourd’hui, le mouvement est bien en marche et il devient important pour tous les acteurs de la santé de se demander comment ils seront affectés par celui-ci.
J’ai produit le document ci-joint dans le cadre d’un cours de MBA. Bien qu’il soit impossible de capturer toutes les nuances et les enjeux relatifs à ce vaste sujet, j’ai tenté d’y rassembler des événements significatifs des 10 dernières années et d’en déceler certaines tendances.
J’y suggère ensuite quelques recommandations pour les organisations qui sont touchées – ou qui touchent elles-mêmes – aux données de santé, afin de favoriser le meilleure usage de cette richesse, très précieuse et délicate!
Comme beaucoup de gens, une partie de mon quotidien s’est transporté en travail à distance au cours de la dernière année. Je suis toutefois bien heureux d’avoir pu continuer à travailler « en présentiel » à différents degrés, lorsque je travaille en pharmacie.
Il est clair que le télétravail fut une arme précieuse pour se défendre contre la pandémie. Mais n’est-il pas temps d’avoir un débat plus profond sur le télétravail? Certes, on voit souvent des commentaires en faveur d’une meilleure conciliation travail-famille, de moins de temps perdu dans les embouteillages, etc… Sans compter les innombrables sondages cherchant à savoir qui est le vainqueur entre présentiel, hybride ou télétravail complet.
Pendant ce temps, j’ai l’impression qu’un enjeu plus profond est oublié: celui du lien entre notre intelligence et notre corps. En anglais, ça tombe dans le sujet nommé « embodied intelligence ».
En effet, l’évolution naturelle nous a amené à être qui nous sommes, morphologiquement et neurologiquement, en réponse à notre environnement. Partager un bureau, une salle de conférence ou une aire de travail avec des dizaines de gens, se regarder dans les yeux – ou pas, se rapprocher, s’éloigner, murmurer, crier, courir dans un corridor, ouvrir la porte à quelqu’un… Ce sont tant de petits gestes qui, à travers le dernier siècle, ont façonner, lentement mais surement qui nous sommes et qui nous devenons. La plupart de ceux et celles qui liront ce texte ont sans doute été exposés à cette réalité pendant plusieurs années! Pour ce groupe de personnes, les pantoufles du télétravail représentent un répit plutôt apprécié, à l’abri de ces forces évolutives parfois embêtantes.
Mais qu’en est-il de la prochaine génération d’humains, qui en raison du mouvement vers le télé-tout, n’auront peut-être pas été exposé à cette nature dans laquelle nous devons continuer à évoluer? Autrement dit, de quoi aurait l’air, morphologiquement et neurologiquement, l’être humain d’aujourd’hui s’il n’avait pas traversé la révolution industrielle et tout ce qui s’en est suivi?
"Human intelligence is not just the function of our brain, but a combination of our brain, our body, and the environment in which we exist." -a16z
J’ai personnellement l’impression que mes synapses ne sont pas alimentées par le même voltage lorsque je suis en train d’avoir une conversation en pharmacie, en comparaison à une discussion d’intensité égale sur une plateforme de visio-conférence. Sans aucun doute, ce stress de moindre intensité ne passe pas inaperçu aux yeux de mère nature.
Je ne dit pas qu’il faut jeter du revers de la main tout ce qu’offrent la technologie et le travail à distance. Mais le débat devrait, aujourd’hui, définitivement changer de registre. La nature des questions devrait s’élargir pour inclure ces enjeux qui, bien qu’ils ne nous concernent d’une façon aussi importante, sont d’une importance capitale pour les générations à venir.
Pour ceux intéressés à en entendre plus sur des recherches de pointe effectuées dans ce domaine, je vous réfère à ce balado passionnant de a16z.
L’arrivée des nouveaux services pharmaceutiques a propulsé la capacité des pharmaciens à proposer de la valeur aux patients, en étant plus autonomes et proactifs dans l’ajustement de leurs médicaments. En étant en mesure d’initier, modifier, ajuster ou substituer des ordonnances dans une multitude de contextes et de situations, les pharmaciens peuvent dorénavant agir, là où auparavant ils ne pouvaient qu’envoyer un fax et se croiser les doigts.
Or, proposer des services est une chose. Les intégrer à un modèle d’affaires gagnant en est une autre.
Réimaginer un modèle d’affaire pour les pharmacies communautaires axé sur les services
C’est le défi auquel sont confrontés les pharmaciens aujourd’hui (momentanément supplanté par celui de la vaccination COVID-19). Un des enjeux majeur est la structure de coût sous-jacente à l’exécution de ces services, qui diffère énormément de celle de l’exécution d’ordonnances.
Par exemple, un pharmacien peut initier un traitement antiviral chez un patient montrant les signes d’un Zona. Rappelons-nous que ce service permettra assurément de mieux traiter cette infection, préviendra certaines complications et transformera une visite à l’urgence en une visite vers le médecin de famille, en principe.
Voici quelques-unes des ressources qui entrent en jeu dans son exécution:
Un espace commercial, généralement dans une zone d’affluence entraînant un loyer élevé;
Un inventaire de médicaments totalisant quelques centaines de milliers de dollars (incluant entre autre un frigo dont le contenu vaut facilement plus qu’une voiture de luxe!);
Une infrastructure TI considérable;
Et le dernier et non le moindre: un « actif » de très grande valeur, c’est-à-dire son achalandage.
L’achalandage: un actif particulier
Cette dernière ressource nécessite une attention très particulière. En effet, à moins d’avoir fondé elle-même ou lui-même la pharmacie, la ou le pharmacien propriétaire acheteurdoit s’endetter lourdement afin d’acquérir l’achalandage d’un autre pharmacien vendeur. C’est le rite de passage nécessaire aujourd’hui pour tout pharmacien souhaitant devenir propriétaire; les start-ups étant devenus virtuellement inexistantes.
Et pour cause! Ouvrir une nouvelle pharmacie est une aventure beaucoup plus risquée qu’au début du siècle, où le succès était pour ainsi dire garanti. Pourquoi?
Les coûts associés à l’ouverture d’une nouvelle pharmacie ainsi que les coûts fixes requis pour l’opérer sont élevés.
Les banques sont de plus en plus vigilantes – pour ne pas dire frileuses – face aux risques d’une pharmacie start-up.
Et les prêts et subventions qu’il était auparavant possible de toucher (en retour de considérations futures sous la forme de volume d’achats) sont dorénavant interdits.
Cet achalandage est donc généralement l’actif principal transigé lors de la vente d’une pharmacie. Cette transaction s’effectue à la valeur du marché, qui dépend à son tour du retour que le pharmacien acheteur peut espérer en tirer sur un horizon d’investissement entre 8 et 12 ans.
Aujourd’hui encore, ce retour sur investissement repose essentiellement sur les honoraires récurrents facturés pour le service de chacune des ordonnances générées de cet achalandage. Bref, il s’agit donc du profit qu’il est possible de tiré de tous ces patients qu’il a achetés. (Façon de parler bien sûr, car les patients sont libres de fréquenter la pharmacie de leur choix, mais généralement assez fidèles).
Afin de rendre ces calculs plus concrets, voici un exemple typique du service d’une ordonnance qui serait renouvelée à chaque mois.
Renouvellement d’une ordonnance
Service pharmaceutique
Honoraire moyen
10$
20$
Temps moyen requis
5 minutes
15 minutes
Coût main d’œuvre (60$/h)
5$
15$
Profit brut
5$
5$
# de services / année
12x
1x
Profit brut annuel
60$
5$
En un clin d’œil, il est possible de constater que la valeur d’un achalandage, calculée selon le potentiel de profits issus de l’exécution de services pharmaceutiques, est bien différente que lorsqu’on la calcule en se basant sur le nombre d’ordonnances servies dans une année.
Pourquoi est-ce que cette comparaison est importante?
Car elle est le reflet d‘où la profession est appelée à se diriger. En effet, la facturation d’un horaire mensuel pour la préparation de chaque ordonnance est un mode de rémunération désuet. Bien que celui-ci ne disparaitra vraisemblablement pas, il est déjà pointé du doigt par plusieurs parties prenantes, que soit des assureurs, des associations et même parfois des élus de notre gouvernement.
Certains seront peut-être surpris d’apprendre que bien des pharmaciens sont aussi d’accord avec la nécessité de changer de mode de rémunération. Bien que celui-ci ait bien servi la profession et la population pour plusieurs décennies, il n’est visiblement pas adapté à la réalité des prochaines décennies.
Or, comme le montre le tableau ci-haut, le problème est que l’alternative, en plus de ne pas être rentable, viendrait tout simplement détruire la fondation de toute une industrie, soit celle des pharmacies communautaires. Rappelez-vous; une majorité de pharmaciens, aujourd’hui, se sont endettés pour acquérir l’achalandage, en effectuant leurs calculs selon la rémunération qui prévaut aujourd’hui.
Cette analyse simplifiée ne reflète pas l’ensemble des obligations financières qu’exige l’opération d’une pharmacie communautaire. Elle permet toutefois d’illustrer la complexité à laquelle se confronte la profession, soit celle de changer la fondation de leur modèle d’affaires, sans que la maison ne s’écrase.
Un pharmacien propriétaire en train de repenser son modèle d’affaires.
Imaginer le passage d’une pharmacie de distribution à une pharmacie à l’acte
Si c’est ce que le futur nous réserve, les revenus seront, dans un premier temps, considérablement plus bas. En effet, dans un scénario hypothétique où les pharmaciens dégagent l’entièreté de leurs profits en effectuant des actes plutôt qu’en distribuant les médicaments, il est évident que le nombre de fois où il transigera avec chaque patient (ou son assureur) au cours d’une année typique sera beaucoup plus bas.
Afin d’illustrer ce concept, imaginez un patient prenant 3 médicaments à tous les mois. Chaque année, ces 3 ordonnances représentent 36 transactions. En toute vraisemblance, le même patient n’aura pas de besoin de 36 services pharmaceutiques dans l’année. Ni même 10!
Qui plus est, le coût de la main d’œuvre de l’équipe (le pharmacien-ne, les technicien-ne-s) qui rend le service est proportionnellement plus élevé, car le temps requis pour générer chaque dollar est plus grand. Ainsi, les pharmaciens propriétaires reçoivent moins d’argent pour une tâche plus complexe, spécialisée et dans laquelle il implique sa responsabilité professionnelle de façon souvent plus importante.
Il devient évident que l’actif de l’achalandage décrit plus haut perdrait une grande partie de sa valeur.
En fait, il est à se demander quel genre de valeur il serait possible d’attribuer à l’achalandage d’une pharmacie dans un tel scénario, où le nombre de factures par patient est beaucoup plus bas, tout en n’étant que légèrement plus élevées. Et surtout, beaucoup moins stable et prévisible. Et si la valeur de l’actif encaisse une lourde perte, c’est la rentabilité au quotidien qui doit être bonifiée, ce qui n’est visiblement pas le cas dans la simulation.
Aujourd’hui, cette analyse n’est qu’une idée poussée à son extrême, qui ne se réalisera pas de façon aussi exclusive. En effet, il est beaucoup plus probable qu’un modèle hybride se dessine à l’horizon.
En fait, cela semble inévitable, si nous souhaitons collectivement que nos pharmacies communautaires demeurent opérées par des pharmaciens entrepreneurs indépendants. Comme le démontrent les sondages, ces entrepreneurs font un très bon travail, apprécié par la population qui bénéfice en retour d’un accès privilégié à un professionnel fiable et compétent.
Or, les actifs de ces pharmaciens sont menacés. À l’échelle de la province, ces actifs représentent des centaines de millions de dollars. Il ne faudrait pas tomber dans le piège des gros chiffres! Oui, on parle d’actifs valant des millions de dollars. Mais ce ne sont pas des millions de dollars liquides dans les poches des pharmaciens; loin de là. Règle général, il s’agit plutôt d’hypothèques contractées par des pharmaciens qui n’avaient pas d’autre choix s’ils voulaient opérer leur propre pharmacie. Évidemment, je présume qu’ils souhaitent tous revendre avec un profit, un jour. Mais comme nous l’a appris à ses dépens la pharmacienne millionnaire (ainsi que Jim Carrey), la valeur d’un bilan sur papier n’est pas toujours le meilleur reflet de la réalité qui nous attend.
Il n’est pas toujours garanti de récupérer la pleine valeur d’un actif sur papier, n’est-ce pas?
Que se passerait-il si, soudainement, les pharmaciens propriétaires se retrouveraient avec une hypothèque dont la valeur dépasse celle de l’actif qu’ils ont achetés – leurs achalandages?
Les calculs ci-haut illustrent bien que ceci est une éventualité possible, considérant les pressions du marchés et des assureurs, les idées exprimées par notre actuel premier ministre en 2011 et les initiatives telles que le pharmacare canadien. Si les pharmaciens deviennent contraints de changer de mode de rémunération sans que le modèle d’affaires n’ait été bien repensé, c’est la viabilité de toute industrie qui sera ébranlée. Tout ça n’est pas sans rappeler la crise des subprime de 2007…
Une bonne réflexion et plusieurs débats sont nécessaires à cette réflexion. Et aujourd’hui plus que jamais, les pharmaciens doivent unir leurs voix pour bien passer ce message et bien faire valoir leurs intérêts de façon complémentaires à ceux de la population et du système de santé. La vaccination COVID-19 n’a certainement pas enrichi les pharmaciens, mais elle a assurément démontré leur volonté d’être au service de la santé collective.
C’est le meilleur moment, aujourd’hui, pour bien raconter notre histoire, et de la continuer ensemble.
You gotta give yourself credit, they definitely won’t
Si vous avez déjà soulagé un vilain mal de tête avec de l’ibuprofène à quelques sous le comprimé, vous avez pu vous même constater que les médicaments peuvent être des armes très puissantes. Cette puissance de nos médicaments modernes requiert à la fois responsabilité et prudence lors de leur utilisation. C’est la raison pour laquelle on a confié aux pharmaciennes et aux pharmaciens la tâche d’être les gardiens de ces médicaments.
Dans le cas du mal de tête, l’ibuprofène est l’exemple typique d’une substance ayant une action pharmacologique franche et ayant la capacité de soulager des symptômes précis. Depuis le début de mon parcours de pharmacien, cet arsenal thérapeutique classique a toujours été le sujet de ma formation et de ma pratique, avec le but ultime d’en assurer le meilleur usage auprès de la population.
Afin de permettre aux patients de maximiser les bénéfices obtenus, un élément secondaire fait partie du travail quotidien du pharmacien: celui de proposer des mesures dites non-pharmacologiques. Par exemple, le pharmacien suggérera certains conseils relatifs à l’alimentation ou à l’activité physique à un diabétique. Toutefois, ces conseils restent la plupart du temps plutôt sommaires, car il ne s’agit pas de son champ d’expertise.
Mais la grande catégorie qu’il nous convient d’appeler les traitements non-pharmacologiques est sur le point de s’élargir considérablement.
Au-delà des médicaments: l’évolution des prescriptions
La décennie suivante a été marquée par les médicaments dits biologiques. Ce sont des médicaments dont la découverte et la synthèse dépassent le cadre habituel de la chimie organique et impliquent d’avoir recours à des cellules vivantes à titre de « mini-usines ». Ces méthodes complexifient évidemment le travail des compagnies pharmaceutiques, qui ne se gênent pas pour passer la factures aux patients et à leurs assurances. Il n’y a pas de doute que ces médicaments biologiques sont dans le champ d’expertise des pharmaciens, bien que leurs chaînes de distribution particulières et leurs marges bénéficiaires alléchantes aient mené certains pharmaciens à tirer la couverture de leur côté, au détriment de leurs confrères.
Ce qui nous attend: au-delà des médicaments
Aujourd’hui, une nouvelle ère de l’évolution des traitements apparaît à l’horizon.
L’innovation dans les sphères de la médecine et de la biologie bât son plein, il n’y a pas de doute là-dessus. Ces multiples percées technologiques mèneront à de nouveaux types de thérapies qui permettront de traiter plus de maladies, plus de patients, de mieux les traiter et éventuellement, à moindre coût. Or, la nature de ces traitements semble être de moins en moins pharmacologique.
Loin de moi l’idée de revendiquer le titre d’expert ou de futurologue. Mais à titre de pharmacien, je m’intéresse à cette évolution des sciences de la santé, et surtout à la place qui sera réservée au pharmacien dans cet avenir pas si lointain.
Les prochains paragraphes se veulent simplement des introductions, et non des revues exhaustives des sujets. Alors voici quelques-unes de ces prescriptions du futur.
Les jeux vidéos sur prescription
En 2013, le neuroscientifique Dr. Adam Gazzaley a démontré qu’un jeu vidéo pouvait avoir un impact positif sur des capacités cognitives qui déclinent avec l’âge. Son article paru dans la prestigieuse revue Nature a braqué le projecteur sur ce domaine prometteur, soit celui du développement de technologies tirant profit de la neuroplasticité afin d’obtenir des résultats cliniques.
Plus récemment, en 2020, cette technologie a culminé en la mise au point d’un jeu, EndeavorRX, pouvant être utilisé à titre de traitement du TDAH chez les jeunes. Ce jeu vidéo marque un point tournant, puisqu’il a été approuvé par la FDA pour cet usage. Les effets secondaires des médicaments utilisés pour le TDAH sont bien connus: baisse de l’appétit, insomnie, irritabilité, etc… Sans aucun doute, les avantages de ces médicaments, lorsqu’ils sont bien utilisés et à la bonne dose, dépassent leurs inconvénients dans la très grande majorité des cas.
Mais que se passe-t-il quand ces médicaments peuvent être remplacés par un jeu vidéo? Quelle est la place du pharmacien dans cette boucle thérapeutique?
L’épigénétique sur prescription
Selon le CDC, l’épigénétique est l’étude de l’impact de nos environnements et de nos comportements sur certains segments précédemment considérés « moins prioritaires » de notre code génétique.
Ces impacts sur nos gènes peuvent soit empêcher ou favoriser l’apparition et l’évolution de plusieurs maladies. Il existe des thérapies novatrices visant à altérer chimiquement ces segments de gènes afin d’en tirer des effets bénéfiques. Ce sont évidemment des traitements très puissants dont l’usage demeure restreint.
Mais il ne s’agit pas de la seule façon de mettre à profit cette science. Votre épigénome s’exprime différemment d’une journée à l’autre, littéralement. Ceci nous offre la possibilité de moduler notre santé nous-mêmes, en tout temps.
Par exemple, la réaction physiologique suivant un exercice intense influence l’expression de certains segments de notre épigénome. C’est un des éléments qui confère à l’exercice ses bienfaits sur la santé. Or, le jour où nous pourrons chacun et chacune avoir une copie précise de notre code génétique s’approche.
Ce jour-là, il deviendra possible de savoir exactement quels sont les points névralgiques de notre épigénome qu’il sera à notre avantage d’exploiter. Autrement dit, d’avoir, en quelque sorte, un traitement génétique personnalisé.
Est-ce que les pharmaciens devraient s’intéresser à cette science qui influencera les traitements du futur?
Qui plus est, cette science pourrait certainement réduire le besoin de médicaments, en maximisant le profit qu’il sera possible de tirer de petits ajustements à notre alimentation, nos suppléments et nos habitudes de vie.
Raison de plus pour les pharmaciens d’intégrer cette science à leurs pratiques.
Des expériences psychédéliques sur prescription
Le mouvement explorant l’usage des molécules dites « psychédéliques » à des fins thérapeutiques a gagné beaucoup de notoriété et de visibilité au cours des dernières années. Les troubles de stress post-traumatiques et les dépressions réfractaires sont les maladies principalement ciblées. Ainsi, de plus en plus de centres de recherches, d’investisseurs et d’entrepreneurs s’y intéressent également.
Le livre de Michael Pollan « How to change your mind » illustre de façon détaillée et fascinante certaines expériences vécues suite à la prise de ces substances dans un cadre contrôlé et supervisé (notamment par l’auteur lui-même). De toute évidence, il y a plusieurs différences entre les traitements pharmacologiques « standards » et les psychédéliques à usage thérapeutique. Nous ne sommes pas à veille de les servir dans des flacons à nos patients.
Tandis que la pharmacologie traditionnelle nous indique généralement assez clairement le mécanisme d’action d’une molécule, ce n’est pas tout à fait le cas avec les psychédéliques. En fait, ces substances psychoactives semblent plutôt induire chez le sujet un état de conscience altéré duquel s’ensuit une expérience globale, sensorielle et psychique. C’est cette « expérience » elle-même, et non pas simplement la pharmacologie sous-jacente, qui permettrait de traiter la condition.
À bien y penser, c’est logique. Si une seule expérience ou un événement majeur peut engendrer un désordre de stress post-traumatique ou une dépression majeure, pourquoi ces problèmes de santé mentale ne pourraient-ils pas être traités de la même façon, par une vive expérience intense et circonscrite dans le temps?
Ces substances nous permettent-elles de retourner à un état de conscience d’une intensité similaire, et de traiter « le feu par le feu », du point de vue psychique? Ces avancées neuroscientifique sont non seulement passionnantes, elles sont aussi porteuses d’espoir pour les maladies mentales les plus difficiles à contrôler.
Mais que se passe-t-il le jour où toutes ces ordonnances de fluoxétine deviennent des références en consultation cognitivo-psychédéliques ?
Comme pour les autres cas illustrés ici, la question que je me pose est la suivante: ferons-nous éventuellement partie de cette boucle thérapeutique?
Des données sur prescription
Le projet de loi 31 est pleinement en vigueur et ce dernier ouvre plusieurs portes aux pharmaciens au niveau du suivi et de l’ajustement des maladies chroniques. Pour jouer pleinement leurs rôles de spécialistes de la thérapie auprès des patients atteintes de maladies chroniques, les pharmaciens doivent avoir le droit de poser les actes requis, l’autonomie de décider et la rémunération. Bonne nouvelle, car pour beaucoup de cas d’usage, le pharmacien détient dorénavant ces 3 cordes à son arc.
Mais un dernier élément est primordial: l’accès au patient et à ses données. Car, sans les données du patient, il est futile d’ajuster quoi que ce soit.
Qu’il s’agisse de symptômes très subjectifs comme une échelle de la douleur, ou de valeurs numériques de tensions artérielles, il faut d’abord et avant tout avoir accès, directement ou indirectement, à ces données avant de faire quoi que ce soit.
Or, les moyens à la disposition des patients pour colliger, recueillir et partager ces données ont explosé. Un patient peut désormais utiliser des applications mobiles afin de noter ses humeurs, d’évaluer sa douleur ou de suivre sa diète. Il peut suivre sa glycémie en temps réel (ou presque) et faire voyager ses valeurs de tensions artérielles par Bluetooth puis par wifi à qui de droit.
Alors, si les pharmaciens veulent rester dans cette boucle thérapeutique et utiliser leurs nouveaux pouvoirs afin de poursuivre l’évolution de leur profession, il est primordial d’ajouter cette corde à leur arc, et de s’intéresser aux données des patients, pour lesquelles les géants technologiques GAFAM se battent actuellement.
C’est un enjeu de taille et qui n’est pas sans complexité, mais à long terme, il n’y aucun détour possible ici.
Les pharmaciens doivent prendre le contrôle de leur futur
En tant que pharmaciens, voulons-nous être les spécialistes du médicament au sens strict du terme, ou étendre cette définition, et être le spécialiste des prescriptions de demain?
À mesure que la limite entre les traitements dits pharmacologiques et ceux dits non-pharmacologiques devient plus floue, où devrions-nous établir la limite de notre profession?
Le jour où un algorithme parviendra à analyser un dossier pharmacologique aussi bien et plus rapidement qu’un pharmacien, beaucoup du savoir-faire des pharmaciens sera libéré, et il est impératif de l’utiliser à bon escient.
Devrions-nous utiliser ce savoir-faire afin d’accroître la portée de actes en prenant un rôle de premier plan dans le déploiement de ces différentes nouveautés thérapeutiques?
Heureusement, il reste un peu de temps devant nous, alors je vous laisse vous faire votre avis sur la question!
Avez-vous déjà eu cette impression? Il y a de ces journées qui, dans notre mémoire, occupent plus d’espace qu’une semaine entière. Des journées d’aventure, de voyage ou d’occasions spéciales. Puis d’autres fois, un mois entier semble nous filer entre les mains, aussi rapidement qu’un week-end, sans que l’on soit capable d’y associer un souvenir bien précis.
La perception du temps
Ma propre mémoire est ainsi faite. Elle s’est constituée de façon disproportionnée, au fil des périodes plus ou moins marquantes de ma vie. Certaines journées de nouveautés, comme un nouvel emploi, semblent occuper plus d’espace dans ma mémoire que d’autres mois entiers. Qui plus est, les souvenirs que j’en garde sont plus vifs et vibrants. L’amplitude du courant qui se propage dans mes neurones en y pensant est-il plus grand? Si ce monde était dépourvu de calendriers et d’horloges, je jurerais aujourd’hui que chacune de ces journées marquantes a duré beaucoup plus longtemps que 24 heures.
De tout évidence, c’est un phénomène que je ne suis pas seul à vivre. Lors de toutes mes années passées en pharmacie, j’en ai eu la preuve, à chaque début de mois. Combien de fois ai-je entendu mes collègues de travail s’exclamer, en faisant une erreur de date au début d’un nouveau mois: « Ça n’a pas d’allure, on est déjà en avril! » ?
Il suffit de repenser aux 24 heures chevauchant votre bal des finissants, votre marriage ou la naissance de votre premier enfant. Souvenez-vous de tous les endroits où vous vous êtes retrouvés dans ce laps de temps, de tous les gens à qui vous avez parlé. Rappelez-vous de la boisson, du repas, de vos vêtements, de votre voiture, etc… Puis, repensez au mois de novembre 2020; il est fort probable que celui-ci n’occupe qu’un fragment de votre mémoire, en comparaison.
Il n’y a rien de mystérieux au fait d’avoir des souvenirs plus détaillés des moments aussi marquants, j’en conviens. Or, ce qui me fascine, c’est qu’au fil des années, je réalise que c’est la quantité et la profondeur de ces souvenirs qui semblent être notre mesure innée du temps qui passe.
Pourquoi laissons-nous tout ce temps s’écouler sans laisser de traces? Pouvons-nous y changer quelque chose? Si le temps est notre ressource la plus précieuse, devrait-on s’en soucier?
« Ça passe donc ben vite » semble être une explication satisfaisante pour la grande majorité. Mais quand je regarde ma montre, il est bien clair que chaque seconde s’envole exactement au même rythme que la précédente et que la suivante, quel que soit mon âge ou l’année sur le calendrier.
Alors, d’où vient cette différence? Cette vive impression que le temps passe trop souvent si rapidement?
Un regard sur mes 12 derniers mois
Les 12 derniers mois de pandémie en sont un bon exemple. Avec moins d’événements marquants, il y a des mois entiers qui ont été compressés par ma mémoire. Je ne doute pas des bonnes intentions de mon cerveau, qui tente tout bonnement de simplifier l’indexation de mes souvenirs et de me faciliter la tâche, quand j’y replonge. Mais en faisant si bien son travail, mon cerveau me donne l’impression de faire disparaître du temps vécu.
Juste avant le début de ces 12 mois de pandémie, j’ai eu la chance de voyager en famille à Walt Disney World. Puis est venu le mois de mars, et je n’ai pas besoin de vous raconter la suite.
Une rencontre inter-planétaire, pré-COVID
Sans trop d’efforts, je peux me souvenir de chacune des 4 journées passées en famille dans chacun des 4 parcs thématiques de Disney. Je me souviens exactement être entré sur le site d’Animal Kingdom, m’être dirigé rapidement vers la gauche et avoir rapidement marché vers la forêt d’Avatar, en souhaitant déjouer les files d’attentes. J’ai de vifs souvenirs de chacun de mes 4 itinéraires, de chaque coin de parc où nous avons pris chaque lunch en famille.
Pris dans son ensemble, l’aventure de ce voyage me donne l’impression de s’être étendu sur un gros bloc de temps. Pourtant, je n’y ai passé que 4 jours!
En fait, pour un instant, oublions toute notion pratique et toute convention permettant de cadrer temporellement nos expériences. D’un côté, prenons ma semaine à Disney, sans aucune trace de mes billets d’avion ou de ma réservation d’hôtel. Juste mes souvenirs et ma perception du temps, tel que me les présente ma mémoire. De l’autre, prenons les 12 derniers mois de pandémie, 12 mois dépourvus de faits saillants ou des points de repère typiques d’une année habituelle. Maintenant, dites-moi que cette semaine d’aventure à Disney représente, de façon quantitative, moins de 2% du temps s’étant écoulé au cours des 12 derniers mois ( 1/52 = 1,92% ). Bien sûr, je vous répondrais ensuite que je n’en crois pas un mot.
En fait, quand je repense aux 12 derniers mois, les repères me permettant de pleinement prendre conscience de tout ce temps qui a filé sont moins nombreux. Pourtant, beaucoup, beaucoup de temps est passé. Et assez souvent, il s’est écoulé très lentement. En fait, l’année a été parsemée de longueurs. Si vous avez vécu un Zoom de Noel, vous conviendrez que ces 2-3 heures ont surement paru beaucoup plus longues que le réveillon entier de l’année précédente. Les longues journées d’hiver avec pas grand chose à faire, les files d’attente pour rentrer au magasin. J’ai vécu de longues journées masquées à la pharmacie, des longues minutes à attendre ma prochaine gorgée d’eau et ma prochaine bouffée d’air.
Il n’y a là aucun doute: les 31 millions de secondes qui ont séparé mars 2020 de mars 2021 ont fait vibrer les horloges à la même cadence, au jour le jour, que toutes les autres années de ma vie. Mais plusieurs de ces millions de secondes sont disparues sans laisse de trace.
Que s’est-il passé? C’est comme si toutes ces secondes, parfois si longues, sont compressées dans ma mémoire. Un fichier « 2020.zip » qui est plus compressé que les autres.
Aujourd’hui, les scientifiques se demandent comment ne jamais revivre une telle catastrophe mondiale, et j’espère qu’ils y parviendront. Quant à moi, je me pose une bien plus petite question, mais qui me préoccupe tout autant: comment ne jamais laisser une autre année de ma vie être trop compressée!
S’inspirer d’une vie d’artiste
Il y a quelques semaines, alors que les musées ont pu rouvrir leurs portes au public, j’ai saisi l’opportunité de réserver 4 billets pour le Musée des beaux-arts de Montréal.
Avec 2 enfants d’âge pré-scolaire, nos visites sont plutôt du type expéditives. Néanmoins, elles sont toujours aussi inspirantes pour moi. Je ne suis pas le plus grand fan d’arts visuels, alors je déambule les salles avec un œil beaucoup moins attentifs que tous ces gens qui scrutent les coups de pinceaux et les reflets de lumière. Mais sans exception, je m’arrête pour lire la ligne du temps biographique de l’artiste. À chaque fois, la même sensation de vertige m’envahit. Ces vies d’artistes sont ponctuées de tellement d’événements et de revirements! Est-ce que les années défilaient à la même vitesse à cette époque? La réponse est oui, bien sûr. Mais quelle perception ces artistes en avaient-ils? Avaient-ils la même sensation des années qui passent sans laisser de trace derrière? Se surprenaient-ils à se tromper en écrivant l’année précédente sur leur tableau, comme on le fait sur nos prescriptions?
Au cœur de cette sensation de temps qui file à notre insu se trouve une relation intime entre la perception du temps et les points de repères temporels que nous accumulons, délibérément ou non.
Nous ne pouvons pas tous vivre la vie vagabonde d’un peintre impressionniste. Le travail et les enfants impliquent obligatoirement une certaine rigidité dans nos vies. Dans ce contexte, ce sont les moments d’évasion, de rassemblements et de création qui deviennent les faits marquants de nos vies. Ce sont les signets dans le livre de nos existences. Ce sont ces moments, où nous sortons de nos zones de comfort et des sentiers connus, qui créent une expansion dans le passage du temps. Des jours, des mois et des années si riches ne peuvent simplement pas être compressées, ou « zippées » sur le disque dur de notre mémoire.
La science, l’évolution et notre mémoire
Les explications psychiques derrière ces compressions et expansions de nos souvenirs sont intrigantes. Les endocannabinoïdes, entre autres, sont probablement impliqués dans cette perception altérée du temps. Je me souviens de l’explication de Michael Pollan, dans son livre « The Omnivore’s Dilemma » , qui partage l’hypothèse évolutionnaire derrière ce « ralentissement » du temps. Cela s’explique possiblement par la nécessité d’accroître notre attention et notre capacité de nous souvenir de plus de détails dans des contextes de dangers et de chasse. Pour nos ancêtres, il était sans doute très utile de devenir hyper-vigilants en arrivant dans un nouvel espace où en présence de plusieurs inconnus. Cette accumulation soudaine de plusieurs faits et données créait un morceau de mémoire important, qui marquait grossièrement leur échelle temporelle.
À bien y penser, c’est exactement ce que j’ai vécu lors de mon voyage à Walt Disney World. Même si je n’avais pas à craindre Buzz Lightyear, mon cerveau me protégeait, et me rendait ultra-alerte, en enregistrant tous ces détails… juste au cas.
Le temps et la vraie vie
La réalité d’aujourd’hui, et plus particulièrement celle des 12 derniers mois, est bien loin de ressembler à celle de nos ancêtres chasseurs ou des peintres impressionnistes du 19e siècle. Les frontières sont fermées, tous comme plusieurs endroits publics. Les événements, festivals et rassemblements qui gravent habituellement nos mémoires et nous font sortir de nos routines n’existent plus. Les journaux, les conférences de presse et les gens masqués, quant à eux, se ressemblent tous.
Difficile de savoir quand nous revivrons l’époque des voyages, des rassemblements et des festivals dont nous nous ennuyons tous. Il est fort probable que la réalité de futur ne ressemble plus jamais à 2019. Le mode de vie qui se présente devant nous se veut plus restrictif, prudent et sécuritaire. Mais en éradiquant les dangers qui sont vraiment dangereux (COVID), ces restrictions éliminent aussi les faux-dangers qui rendent la vie excitante et qui marquent les chapitres de nos vies, à coup de voyages ou de festivités. Toutes ces choses qui rendent nos souvenirs « non-compressibles ».
Au cours des 12 derniers mois, nos efforts ont sauvé des vies. Mais ce mode de vie a aussi fait disparaître du temps de nos mémoires. Le même nombre de secondes se sont écoulées, mais nous n’en garderons qu’une fraction des souvenirs.
Nous ne pouvons pas changer les règles sanitaires, ni reculer l’horloge pour revivre ces 12 mois différemment. Nous pouvons cependant apprendre de cette expérience. Quelles que soient les circonstances, il est primordial de créer des événements marquants et de vivre ces faux-dangers. J’ai envie d’imiter, dans la mesure du possible, les peintres vagabonds, mes ancêtres chasseurs ou les vacanciers à Disney. Il faut se protéger des vrais dangers. Mais en brisant consciemment notre routine et en sortant de nos zones de confort, nous pouvons créer ces « faux-dangers » qui créent une expansion dans notre perception du temps. Et vivre plus longtemps, pandémie ou pas!
Comme c’est le cas pour plusieurs services rendus par un professionnel, le service pharmaceutique que reçoit un patient dans une pharmacie ne peut pas être jugé pour sa qualité, car le patient n’a pas les connaissances requises. Qui plus est, une bonne partie du travail du pharmacien vise l’objectif de prévenir tout préjudice auprès du patient – ce qui rend le service invisible.
Mais ce vide dans la tête du patient doit être comblé! Ainsi c’est l’EXPÉRIENCE qui entoure le service qui, par inférence, lui permet de porter un jugement sur la qualité de celui-ci.
Qu’est-ce que ça veut dire pour les pharmaciens?
La particularité de ce cas d’usage spécifique, c’est que tout ceci se passe dans un environnement où les forces du marché sont très fortes et où la compétition est omniprésente.
Il faut soit:
Mieux expliquer nos services (ce qui prend tu temps!)
Améliorer l’expérience globale du client (ce qui prend de l’argent!)
Quelle que soit la solution sur laquelle les pharmaciens décident de concentrer leurs efforts, il faut surtout ne pas ignorer cette situation qui se déroule dans la tête de chacun de nos patients!
Il y a 5 mois aujourd’hui, je signais le document qui officialisait la vente de mes parts dans ma pharmacie. Cette expérience vécue sur plusieurs mois (dont j’ai parlé dans d’autres publications) fut parfois excitante et d’autres fois, angoissante.
Quand je repasse dans ma tête ces 7 années, plusieurs émotions surgissent. Majoritairement, je me sens fier et satisfait d’avoir entrepris ce projet à ce moment dans ma vie. Fier d’avoir accompli mon rêve. Fier d’être parvenu à conclure ce chapitre d’une façon qui me convenait, selon mes propres termes, au moment où je le souhaitais.
Néanmoins, je me retrouve occasionnellement à affronter des élans de culpabilité ou de remords. Je me sens alors coupable de ne plus être directement au service de ma communauté et d’avoir abandonné mes collègues. Je rumine des doutes quant au choix que j’ai fait de laisser aller l’entreprise pour laquelle j’ai fait beaucoup de sacrifices.
Qui plus est, mon nouvel emploi m’amène à côtoyer des pharmaciens propriétaires qui sont actuellement sur le terrain, en train de servir la population avec plus de vigueur et de résilience que jamais. Mon rôle est de les supporter dans ces efforts, mais ma contribution ne pèse pas lourd en comparaison des efforts acharnés de ces pharmaciennes et pharmaciens qui sont, aujourd’hui plus que jamais, un pilier du système de santé de première ligne.
L’envie me vient parfois de retourner relever le défi auquel ces entrepreneurs font face: celui de gérer une entreprise, rehausser le niveau de pratique de la pharmacie, et veiller sur la santé de leur communauté, celle de leurs employés et de la leur (ce qui est plus important que jamais).
Si j’avais à tout recommencer, aujourd’hui…
Est-ce que je ferai le saut un jour afin de redevenir pharmacien propriétaire? Je ne saurais le dire. Quoi qu’il en soi, le monde de la pharmacie est en pleine évolution, ce qui en fait aujourd’hui une profession fascinante et dynamique sous tous ses angles, que l’on soit au centre de la patinoire ou juste à côté. Mais il y a aussi des « douleurs de croissance », soit de multiples changements auxquels il faut s’adapter. Notamment, il faut repenser le modèle d’affaires. Et avec leurs nouvelles responsabilités, les pharmaciens doivent aussi aller jusqu’à repenser la façon de travailler dans chacun de leurs laboratoires.
Dans ce contexte, la décision de devenir pharmacien propriétaire ne doit pas se prendre à la légère. Au cours des dernières années, j’ai souvent lu des articles de revues dans lesquels on retrouvait des conseils variés pour les aspirants pharmaciens propriétaires.« Explorez les différentes bannières », « trouvez-vous une niche » ou « faites-vous un bon plan d’affaires » sont des phrases récurrentes dans ces articles.
Or, c’est en lisant le plus récent livre de Seth Godin (The Practice) que je crois avoir trouvé les 3 questions les plus importantes pour quiconque souhaitant démarrer une nouvelle entreprise.
Avec le recul de ma propre expérience, je peux affirmer que ces 3 questions sont tout aussi pertinentes – sinon encore plus – pour mes collègues qui souhaitent entreprendre le défi de l’entrepreneuriat en pharmacie.
1. Qui voulez-vous avoir comme clients?
Serez-vous dans un village ou un centre-ville? À côté d’un hôpital ou dans un centre commercial? Allez-vous être un « pharmacien de famille » comme le veut Uniprix, ou bien servir des médicaments de spécialité par la poste et en faire le suivi à distance? Au-delà de la stratégie d’affaires, cette question aura des implications majeures dès le premier jour de votre pratique, et influencera toutes les relations humaines qui caractériseront chacune de vos journées de travail. En pharmacie plus que dans bien d’autres types d’entreprises, ceci est un facteur primordial à considérer.
2. Qu’êtes-vous prêt à risquer?
Combien de temps, d’argent, de sacrifices et d’autres opportunités manquées êtes-vous prêts à accepter? Ceci déterminera non seulement vos chances de succès face au projet que vous entreprendrez, mais aussi le niveau de confort, de satisfaction et de bonheur que votre projet pourra vous apporter – ou à l’inverse, à quel niveau il vous en privera.
3. Quand et comment voulez-vous en sortir?
Quel est votre plan pour la fin? C’est une question facile à oublier, mais qui peut avoir une influence majeure sur le succès de votre projet dans son ensemble. Il faut se la poser avant votre premier jour à la pharmacie. Certains modèles d’affaires privilégient ceux qui souhaitent développer les affaires de leur pharmacie très intensément, à un rythme difficile à soutenir pour toute une carrière, puis passer au suivant… ou se trouver un associé pour continuer l’aventure. D’autres modèles d’affaires se prêtent mieux aux pharmaciens qui souhaitent opérer leur pharmacie sur le long terme, et qui recherchent donc un rythme de croisière plus soutenable pour le marathon devant eux.
Quel type êtes-vous? Bien qu’il soit possible de s’ajuster en cours de route, il est essentiel d’avoir cette réflexion aussitôt que possible. Il peut sembler prématuré et contre-intuitif, pour un jeune professionnel, de prévoir la fin d’un projet d’entreprise avant même qu’il ne débute. Mais comme le mentionne le livre Les 7 habitudes des gens qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent, c’est une habitude qui peut vous guider vers le succès, en affaires comme dans la vie. Que souhaitez-vous, dans X années, tirer de ce projet?
Bien se connaître soi-même avant de se lancer en affaires
Les opportunités d’affaires nous sont parfois présentées rapidement. Plus souvent qu’autrement, la pression d’une décision rapide requise se fait sentir. Je crois que, sans une réponse claire à chacune de ces 3 questions, le risque de dire oui à un projet est trop grand (que ce soit une pharmacie ou pas).
Ceci dit, si une partie de vous souhaite un jour entreprendre, rien ne vous empêche de vous poser ces 3 questions dès maintenant! Selon Seneca, un philosophe romain, la chance est ce qui arrive quand la préparation coïncide avec l’opportunité. La préparation est sous notre contrôle, et en se posant ces 3 questions de façon franche et honnête, l’entrepreneur en vous pourra sauter sur la bonne opportunité lorsqu’elle se présentera!
On entend trop souvent qu’il faut se dépêcher, « bouger rapidement et briser des choses » comme chez Facebook ou « échouer rapidement et souvent ». Peut-être lorsqu’il est question de développer un produit, un service… Mais lorsqu’il est question de notre carrière, de notre vie, quelques moments de réflexion peuvent parfois éviter d’investir plusieurs années au mauvais endroit.
Cause when you give your time. You givin’ a portion of your life that— That you‘ll never get back
Cette fin d’année est un peu douce-amère pour moi. Les traditions des fêtes font place au confinement, mais le rythme ralenti de ma vie professionnelle me permet de passer plus de temps en famille. Quoi qu’il en soit, l’année qui s’achève n’aura pas manqué de nous faire réfléchir sur nos façons de travailler, et ce, quel que soit le secteur d’activité.
Malgré une année pas comme les autres, si vous entrez dans une pharmacie ces jours-ci, vous trouverez probablement que les choses n’y ont pas beaucoup changé. À première vue, le quotidien des pharmacien(ne)s et de leurs équipes n’a, en effet, pas été autant bousculé que celui des restaurateurs ou des travailleurs de bureau, par exemple.
Cette apparente stabilité est bien trompeuse.
Sous nos pieds fatigués, les plaques tectoniques de la planète santé et du commerce de détail sont en pleine mouvance et laisseront des marques qui altéreront le quotidien des pharmaciens de façon permanente. En 2020, nous avons été distraits et occupés à installer des plexiglass, à gérer une campagne de vaccination sans précédent et à substituer du Ventolin et du Synthroid (qui sont pour ainsi dire le pain et le beurre des pharmacies). Ce qui nous a peut-être échappé est que l’année 2021 viendra avec des attentes encore plus grandes envers le pharmacien. Que ce soit au niveau de l’offre de service, du prix, des canaux de communication ou des façons de transiger avec lui, le temps presse. Les pharmaciens devront, plus que jamais, songer aux prochaines étapes de la transformation numérique de l’ensemble de leurs activités.
La prolongation d’ordonnances, revue et corrigée
Depuis que j’ai accédé à la profession en 2007, la proactivité du pharmacien sur la première ligne est de plus en plus reconnue et valorisée. Les outils mis à notre disposition se multiplient et nous rendent toujours plus aptes à assumer ce rôle. On peut penser aux médicaments de vente libre plus nombreux, aux prescriptions pour problèmes mineurs et, maintenant, à l’administration de vaccins.
À mon avis, le super-pouvoir le plus mal-aimé et incompris du pharmacien est celui de la prolongation d’ordonnances.
Grâce à ce pouvoir, le pharmacien peut represcrire un ou plusieurs médicaments, lorsqu’une ordonnance n’est plus renouvelable et qu’il est dans l’intérêt du patient que le traitement se poursuive sans interruption.
Bien qu’il soit très précieux, la valeur ajoutée du service de prolongation est difficile à percevoir pour le patient.
Et pour cause; depuis bon nombre d’années, les médecins ont, volontairement ou pas, dissocier le suivi de leurs patients de l’acte de represcrire. Ce n’est que ma perception des choses, mais il semble qu’une génération précédente de médecins utilisait le « compte à rebours » des renouvellements pour forcer la tenue d’un rendez-vous de suivi, bon an mal an.
Mais aujourd’hui, les médecins optent plutôt pour une approche ad-hoc. Celle-si se résume à: « appelle-moi quand ça ne va pas » et « demande au pharmacien de faxer les demandes de renouvellements quand c’est nécessaire ».
Cette approche n’est pas mauvaise en soi. Mais aux yeux des patients, le fait de represcrire une thérapie est maintenant plus une formalité qu’un acte clinique. Nonobstant cette perception, chaque re-prescription implique entièrement la responsabilité de celui qui le pose. C’est encore plus vrai pour le pharmacien, pour qui les activités quotidiennes ne sont pas autant centrées sur le suivi de l’état de santé de ses patients. Pour lui, ce suivi est une suite logique de son travail, mais elle s’en distingue toute de même. Mais encore aujourd’hui, les pharmaciens et leurs équipes doivent ramer à contre courant et en convaincre le patient, qui doit payer sa juste part de la facture résultant de ce service.
Vendeur: être ou ne pas être?
Pour les pharmaciens, le super-pouvoir de la prolongation est donc jumelé à une lourde tâche: celle de vendre ce service sous-évalué par le marché. Qui plus est, une pharmacie type n’est pas un environnement qui se prête bien à un pitch de vente. Malgré toutes les bonnes intentions des gestionnaires en pharmacie, il est difficile d’inculquer au sein de son équipe la compréhension, l’intérêt et les habiletés requises pour bien décrire et vendre ce service méconnu. Plus souvent qu’autrement, les échanges qui en résultent, faute de bien illustrer la valeur ajoutée du service, prennent plutôt des allures de prise en otage. Je grince des dents chaque fois que j’entend des phrases telles que « si vous voulez votre médicament aujourd’hui, on doit le prolonger et ça coûte 12$. »
La prolongation gratuite: la cerise sur l’année 2020
Lorsque l’annonce de l’abolition des frais de prolongation à été faite, j’ai d’abord eu un soupir de soulagement. Enfin, ces discussions embêtantes pourront, à tout le moins, faire fi du coût, car le service sera entièrement payé par le régime public d’assurance-médicaments (ou par les assureurs qui devront éventuellement emboîter le pas, si je comprend bien). Et puisque le prix pour le patient baissera, la demande pour le service de prolongation augmentera, ajoutant une pression supplémentaire sur nos chaînes de travail.
Or, ce service diffère des autres, car il répond à un besoin prévisible. Le hic, c’est que la chaîne de travail principale en pharmacie, typiquement, est plutôt réactive. Si personne ne s’y présente, n’appelle ou ne commande en ligne, il ne s’y passe pas grand chose. Parallèlement à cette chaîne, chaque pharmacie effectue des tâches planifiées et récurrentes, comme des piluliers et ou des commandes pré-autorisées. Si aucune stratégie n’est déployée pour que les prolongations y soient dirigées, elles deviendront un élément de plus surgissant spontanément au milieu de la chaîne de travail « réactive ». Celle-ci est déjà suffisamment embourbée par les renouvellements, les livraisons et les ruptures de stock.
Les conséquences seraient désolantes: une charge de travail et de stress alourdie pour le pharmacien et un temps d’attente plus long pour le patient. Car quoi qu’on en dise, la majorité des patients ne compareront pas ce temps d’attente à celui d’une visite sauvée à l’urgence; ils constateront plutôt que ça prend 10-15 minutes de plus pour obtenir – en toute apparence – la même chose que le mois dernier.
Repenser la prolongation, 5 ans plus tard
Il est impératif de se questionner à nouveau sur la meilleure façon de déployer une offre de service améliorée pour les prolongations. Pour ce faire, il faut en contrôler la demande. Il y a 5 ans, à ses débuts, ce n’était qu’un nouveau service parmi tant d’autres, visant à palier à des situations soi-disant exceptionnelles, telles que la retraite du médecin traitant. Mais en 2021, la prolongation des ordonnances par le pharmacien est sur le point de devenir un pilier servant à supporter un système de santé amputé par le délestage et le télétravail.
Simultanément, l’accessibilité et la fiabilité du pharmacien continuent d’en faire un professionnel toujours plus en demande depuis le début de la pandémie. Conséquemment, notre chaîne de travail « réactive » est déjà pleinement sollicitée.
Ainsi se dresse devant nous un défi, mais aussi une opportunité à ne pas manquer.
Il nous appartient de redonner de la valeur à un acte dévalué: celui de re-prescrire.
Avec la bonne stratégie, on peut même imaginer en tirer des revenus supplémentaires tout en surpassant les attentes des patients et des décideurs ayant supporté l’abolition des frais pour les patients.
Mais ce défi est de taille. Le système de santé tel que nous le connaissions n’existe plus. Le gouvernement de la CAQ donnait l’impression de vouloir jouer le rôle d’un bon coach prônant l’interdisciplinarité. Il demandait aux professionnels de se passer la rondelle afin de mieux soigner les patients. Mais voilà que le système de santé est en mode urgence depuis des mois, sans accalmie en vue. Notre coach ne peut que gérer cette crise, tant bien que mal.
Bien qu’elle me semble empreinte d’opportunisme politique, l’abolition des frais de prolongation demeure une marque de confiance appréciable. Mais elle ne viendra pas avec un mode d’emploi ou une campagne de sensibilisation. Je doute que l’AQPP ou que l’OPQ puisse, dans la situation actuelle, sensibiliser la population et les autres acteurs du milieu aux conditions favorables à une prolongation d’ordonnance bien faite. Ce sera à nous-mêmes d’éduquer la population et de déployer ce service adéquatement. En tant que pharmacien(ne)s, nous devons trouver la stratégie permettant d’en faire un succès pour nos patients et pour nous. Nos coéquipiers (i.e. prescripteurs et personnel administratif des cliniques) ne manqueront pas de nous dévier bien des rondelles. Mais ça sera à nous de les gérer adéquatement. Ceci signifie, entre autres, de bien les considérer dans notre emploi du temps, et de rapporter clairement les cas ne se prêtant pas à une évaluation par le pharmacien.
Le succès de demain exigera des innovations, et c’est l’affaire de tous.
Un travail colossal s’impose en premier: celui d’éduquer nos équipes, nos collègues et nos patients. Chaque dernier service d’une ordonnance devrait susciter une simple intervention auprès du patient, en vue d’identifier ceux ayant besoin d’une prolongation. Ensuite, profitons des accalmies ou de temps dédié pour faire nos évaluations de prolongation. Soyons créatifs et innovons; des solutions numériques pourront sans doute nous aider à effectuer ces tâches plus intelligemment.
Il serait dommage de niveler vers le bas, pour différentes raisons, ce service qui répond à nos aspirations professionnelles de longue date. Bien sûr, il serait plus intéressant et motivant d’avoir un honoraire modulé selon le niveau de complexité de chaque patient. Mais comme l’histoire nous l’a appris, il ne faut pas attendre la récompense, mais plutôt être confiant qu’elle suivra le travail bien fait.
Je suis convaincu que chaque pharmacie a les capacités et les compétences de mettre à profit la nouvelle activité qu’est la prolongation, version 2.0. Le problème se trouve dans le quand et le comment. Certes, la solution n’est pas évidente, autrement le problème ne se poserait pas. Chacun devra user de créativité afin de créer une offre de service qui viendra bonifier l’offre professionnelle du pharmacien. À ce jour, le pharmacien est perçu comme étant « toujours présent et accessible ». Les patients ne cesseront pas de nous solliciter pour autant pour leur maux courants. Au Québec comme ailleurs au monde, c’est dans l’ADN de notre profession d’y répondre.
Or, le suivi d’une thérapie complexe en vue de la prolonger exige l’inverse: quelques précieux instants à l’écart des distractions et des imprévus, afin d’avoir le recul approprié sur l’état de santé du patient. Il nous appartient de bien nous organiser et de réclamer ces instants, afin de créer la magie que nous seuls savons faire.
Bonne année à tous les pharmacien(ne)s!
L’année 2021 sera remplie de défis, mais aussi d’espoirs et d’opportunités. Ce sera vrai pour à peu près tout le monde. Mais fort probablement, ce le sera encore plus pour les pharmaciens.
Il n’y a pas si longtemps, mon ancienne occupation de pharmacien-propriétaire mobilisait la plupart de mes heures d’éveil. L’enchaînement de tâches cliniques et administratives m’assurait chaque jour une généreuse ration de dopamine, l’hormone de la satisfaction.
En fait, une journée typique à la pharmacie, ce sont d’innombrables petits checks dans une liste de tâches infinie: un flux d’ordonnances à valider ponctuée de quelques feux à éteindre. C’est un travail qui était intensément valorisant au quotidien. Chaque fin de quart me laissait bien fatigué, mais empli d’une sensation éphémère d’un travail bien accompli. En revanche, à bord de ces montagnes russes, il m’était devenu difficile de maintenir une orientation de carrière alignée avec ce qui en était son attrait initial.
Aujourd’hui, suite à la vente de mes parts dans la pharmacie, je me retrouve momentanément en situation de semi-retraite. Subitement, la moitié de mon temps est laissé vacant par mon poste à temps partiel. Ces journées hors du laboratoire me privent donc de mes petits buzz quotidiens. Qui plus est, mes quarts de travail sont aujourd’hui dépourvu de la trame de fond qu’assurait mon projet entrepreneurial d’être propriétaire, gestionnaire, et porteur de rêve de mon entreprise.
Ce nouveau temps libre ne l’est pas resté longtemps. Mes journées sont parsemées d’études et de sessions de travail individuelles et collaboratives dans le cadre d’un nouveau projet. Mais après quelques semaines passées plus ou moins à l’écart de mon ancien rythme effréné, je dois en venir à l’évidence: j’ai la vive sensation de ne pas accomplir autant, et d’être moins utile.
Au terme de multiples réflexions, j’en suis venu à la conclusion suivante: je dois changer l’unité de mesure à l’aide de laquelle je quantifie ce que j’accompli. En fait, je réalise qu’il s’agit probablement d’une démarche nécessaire à toute réorientation de carrière, chose que je n’ai jamais vécue jusqu’ici.
Moi qui suis fasciné par les données d’affaires et de santé, me voilà confronté à un business case que je trouve particulièrement difficile à cadrer adéquatement: comment mesurer ma propre productivité, alors que l’usage de mon temps est complètement altéré. Comme le disent les scientifiques des données et les analystes d’affaires, avant de se lancer dans l’accumulation, la préparation, la manipulation et la visualisation de données, il faut très sagement choisir lesquelles doivent être utilisées, selon le problème précis à résoudre. C’est la question qui me hante présentement. De toute évidence, les dollars, le nombre d’ordonnances et les buzz de dopamine ne sont plus les bons indicateurs de ma performance.
Je dois me sevrer de ces chiffres
Auparavant, une journée à la pharmacie pouvait se chiffrer de façon extrêmement précise. La fin de chaque journée me permettait de constater que j’avais été responsable de plusieurs centaines d’ordonnances et d’un profit brut intéressant, signifiant un peu plus d’équité dans ma pharmacie. Dans ma nouvelle réalité, je dois chercher un peu plus loin pour trouver la bonne façon de valider mes accomplissements quotidiens.
Cette situation n’est pas sans me rappeler tous ces patients m’ayant décrit, au fil des années, le sevrage de leurs antidépresseurs. En tant que pharmacien œuvrant dans une chaîne de travail rapide, devant régler tant de micro-problèmes chaque jour, j’étais un peu comme un neurone baignant dans la dopamine. Dans mon nouvel environnement, je dois me rassasier de beaucoup moins de ces gratifications rapides. La finalité des tâches qui figurent à mon agenda se dessine sur un horizon beaucoup plus long. Je dois apprendre à satisfaire ces petites rages autrement, à même les projets à plus long terme. Comme tous ces patients, je dois vivre mon sevrage.
Une longue décennie, puis un petit coup sec
À la pharmacie, mon nom n’est plus sur la pancarte, et ma vieille photo corpo est disparue de la fenêtre. J’ai passé une décennie à servir les mêmes patients, au même poste. C’est une partie significative de mon identité qui y était ancrée. Je ne peux imaginer la coupure que d’autres pharmaciens, ou même d’autres entrepreneurs de tous les secteurs, ont à vivre lorsqu’ils accrochent leurs patins après 3 ou 4 décennies d’activités. N’empêche, c’est presque l’ensemble de ma vie active que j’ai dédiée à cette clientèle et à cette entreprise. Dans mon cas, la pharmacie est encore pleine et ouverte, mais c’est un moi qu’il y a un grand local vide, dans lequel chacun de mes doutes et chacune de mes réflexions ont l’espace de résonner longuement.
Alors, avant d’apprendre à mesurer ce que j’accomplis aujourd’hui, je dois laisser ma boussole, secouée par bien des tempêtes, retrouver le vrai nord. Recentrer mes efforts sur ce qui m’a fait prendre ce parcours bien à moi. J’aime travailler sur des projets d’affaires visionnaires, avec des gens dédiés à leur cause. Jusqu’à présent, le système de santé était mon centre d’intérêt principal. Bien que ce soit toujours le cas, la pandémie a mis en place tous les ingrédients d’une petite crise pour l’économie locale, et les entrepreneurs de tous les horizons sont en danger. Collectivement, il devient évident que les entreprises de tous les domaines sont essentielles à notre bien-être. Quelque part, j’y trouverai ma nouvelle place, et j’ai bien hâte.
Mais en attendant, je laisse passer mon sevrage. Je m’imagine descendre une montage, afin de pouvoir en gravir une autre, qui me donnera un autre point-de-vue. Nul doute que j’avais sous-estimé le courage et la foi que ça prend, pour rebrousser ainsi le chemin, et renoncer à un certain confort!
Mais comme des dizaines de patients ont pu m’en témoigner, au bout de ce sevrage, c’est un regard neuf et un esprit revigoré qui nous attend.
If I could start from scratch, I wouldn’t change s***.–Start from scratch, The Game