Consacrer du temps à quelque chose est probablement la décision la plus importante que nous puissions prendre. La façon dont nous investissons chacune de nos heures a le pouvoir d’influencer presque tout ce qui nous entoure, tout ce dont notre quotidien est composé.
Le blogueur Seth Godin l’a bien noté dans une publication récente.
Globalement, le futur tend vers une direction. D’un côté, il est très improbable de le faire radicalement et subitement changer de chemin. Je ne peux m’imaginer un événement qui changerait la direction du futur de 180, ou même 90 degrés. Même si des événements majeurs tels que les guerres mondiales ou la crise des missiles de Cuba n’avaient pas eu lieu, il y a fort à parier que le 21e siècle soit très similaire à ce que nous connaissons aujourd’hui… Mis à part quelques frontières ou politiciens, ma vie de tous les jours serait fort probablement à l’image de ce qu’elle est aujourd’hui, et la vôtre aussi.
Toutefois, nous avons tous, individuellement, le pouvoir de faire changer le futur de quelques degrés. Ce pouvoir est une ressource renouvelable; il nous est rendu disponible à chaque jour, à chaque heure. À chaque moment où nous avons l’opportunité de dédier du temps de la façon qui nous semble la meilleure.
Alors, quelle est la meilleure façon d’investir le temps qui m’est accessible ici, aujourd’hui? Que ce soit au travail ou ailleurs, la décision nous revient, éventuellement. Prenons-nous suffisamment le temps d’y penser, ou est-ce que nous nous laissons porter par ce que j’appellerais nos « modèles de réflexion habituels »?
La sélection naturelle a visiblement favorisé la façon la plus paresseuse de décider: se fier à nos habitudes et aux coutumes auxquelles nous avons été exposés toute notre vie. Si votre routine est d’effectuer une certaine tâche tous les mercredi matins, ou d’écouter une série télé tous les lundi 20h00, la décision se prendra à notre insu, automatiquement et passivement. Au travail, si j’ai l’habitude de donner un conseil pour un certain médicament d’une façon habituelle, je le ferai bien souvent instinctivement, sans trop y réfléchir.
Ceci est bien utile dans plusieurs contextes. On ne pourrait pas survivre si on avait à réfléchir en profondeur à chacun de nos gestes. Je ne réfléchis pas à chaque fois que je m’apprête à me brosser les dents, prendre ma douche, arrêter à un feu rouge ou arriver au travail à l’heure. Pour ces raisons, je remercie le circuit neurologique que l’évolution a pris plusieurs millions d’années à concevoir pour moi.
Choisir: un luxe moderne
L’évolution n’a pas prévu le luxe que nous ont offert les derniers siècles, et plus précisément celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Nous avons dorénavant l’opportunité de dédier du temps à autre chose que notre survie et notre reproduction. Quoi que certaines télé-réalités pourraient laisser penser le contraire!
Personnellement, lorsque je m’arrête pour me demander si une tâche, activité ou projet mérite mon temps, j’aime faire l’exercice suivant. J’imagine avoir à expliquer à mes enfants et à mes grands-parents pourquoi je m’apprête à dédier mon temps d’une certaine façon.
Pourquoi mes enfants d’âge pré-scolaire? Parce qu’il n’ont pas encore autant d’habitudes et d’idées pré-conçues que nous. Leur intuition et leurs émotions prédominent dans leur prise de décisions, choses que nous perdons avec l’âge. Si la vie est une descente en ski alpin, ils sont sur une piste sans traces, avec plusieurs mètres de neige poudreuse qui les invitent à aller où bon leur semble, ne se fiant qu’à leur cœur et leurs « trippes ».
Et pourquoi mes grands-parents? Certes, ils ont des pistes bien tracées. Mais ils ont dévalé une si bonne partie du chemin qu’ils ont la sagesse et le recul pouvant nous aider à réaliser si on fait carrément fausse route.
Les gens qui nous sont très proches, tels nos conjoints ou amis, sont souvent au même stade de la vie, et donc sujets à suivre les mêmes traces que nous. Ils pourront nous secourir si on se perd dans le sous-bois. Mais comme ils sont au même stade de la montagne, leurs bons conseils, bien que réconfortant, ont leurs limites. Quant à eux, nos parents auront le réflexe de nous soutenir dans nos idées et projets de tous genres et n’auront peut-être pas le regard critique parfois nécessaire à prendre les bonnes décisions.
L’imagination suffit
Il n’est pas nécessaire, et bien souvent impossible, d’avoir une discussion élaborée avec nos jeunes enfants et nos aînés. Mais le simple fait de s’imaginer avoir cette discussion est, à mon avis, suffisant pour atteindre l’objectif voulu. Ceci nous contraint à expliquer nos choix d’une autre façon, à un autre niveau, et en utilisant un vocabulaire différent.
Au niveau professionnel, les choses diffèrent quelque peu. Un enfant, et dans mon cas un non-pharmacien, ne pourra pas juger de mes décisions de la même façon. Mais si je décide de consacrer 10 minutes à un client, je tente de réfléchir d’une façon similaire. Pourrais-je expliquer mon choix à un autre client qui attend 10 minutes de plus? À un médecin qui reste en attente 10 minutes pour me parler? Aurais-je dû procéder autrement pour ce client ou pour les autres points de ma chaîne de travail? À l’inverse, si je fais le choix d’aller plus vite avec un client, pourrais-je le justifier à un de ses proches ou à un autre professionnel qui voit les besoins et les caractéristiques d’un patient d’un autre point de vue?
Je ne rentrerais pas dans les exemples concrets car tel n’est pas le but de cet article. Toutefois, je suis convaincu que chacun, à notre façon, dans chacune des sphères de nos vies, avons beaucoup à gagner à imaginer ces petits dialogues – ou cette descente en ski, si vous préférez!