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Pour une médecine centrée sur les Données de Santé!

Qu’ont en commun chacun de vos renouvellements de médicaments, prises de sang ou rendez-vous médical? Chacun de ces événements génèrent des données relatives à votre santé. Nul besoin de le préciser, mais avec les avancées technologiques qui ont cours dans les laboratoires autant que dans votre propre poche, la quantité de données ainsi générées est sur le point d’exploser!

Certaines de ces données sont plus familières. Par exemple, une liste des médicaments que vous prenez ainsi que les résultats d’analyses et des tests que vous subissez sont dorénavant enregistrées dans le Dossier Santé Québec, le nuage québécois dédié à la santé.  Présentement, c’est surtout ce genre de données qui sont utilisées par les professionnels de santé de la première ligne. En effet, ce nuage est accessible dans chaque bureau et chaque lieu où des soins de santé sont dispensés. Au moment d’une consultation, ces données sont récupérées et amalgamées aux données « locales » et traditionnelles. Par exemple, les notes dans votre dossier médicale ainsi que votre tension artérielle cette journée là. 

Mais une transition est en cours. De plus en plus de gens traînent dans leur poche, ou sur leur petit bout de nuage virtuel, une variété de données supplémentaires. On peut penser au nombre moyen de pas quotidiens et de calories consommées. Aux activités sportives effectuées. À la qualité et à la durée du sommeil. Au poids, et à la variation de celui-ci. Aux tensions artérielles et à la présence ou non d’arythmies. Au journal de migraines ou du cycle menstruel. Aux valeurs de glycémies, parfois même en continue et en temps réel! Et plus récemment, à l’historique de fièvre ou de symptômes grippaux, ou même à la fréquentation ou non d’un lieu possible d’éclosion virale. 

Et le coût de toutes ces données? Minime. Quand on le compare au budget de la santé, du moins! Un iPhone et quelques applications. Un bracelet Fitbit, un tensiomètre connecté. Quelques minutes par jour pour collecter des données, sous formes de chiffres, de questionnaires ou de commentaires.

Rêver d’une gigantesque et perpétuelle collecte de données collective

Il n’est pas si difficile d’imaginer une évolution de notre système de santé qui réorganiserait les soins autour d’un noyau de données intelligemment mesurées et triées. Automatiquement, selon l’état de santé mais aussi selon l’historique et l’environnement de chacun, les bonnes choses seront mesurées, via les différents instruments, capteurs et questionnaires à notre disposition. Dans le contexte quotidien de la prestation de soins, ceci pourrait sauver un temps fou. En effet, chaque visite chez un professionnel de la santé commence habituellement par un processus répétitif de collecte de données. Prendre la tension artérielle, peser, mesurer, chercher le résultat de prise de sang ou questionner sur les habitudes de vie récentes sont aujourd’hui des activités cliniques considérées comme le cœur d’une consultation… au détriment du temps passé à analyser, expliquer, prévenir et éduquer. Comme les programmeurs le disent si bien, tout ce qui est répétitif mérite d’être réévalué et automatisé! (À moins que le processus lui-même offre une valeur clinique ajoutée… Est-ce que vous fumez encore?)

Je crois que nous devons rêver au jour où les consultations seront bien différentes!

Pour y arriver, il faut imaginer un écosystème où l’accumulation de données de santé est décuplé et démocratisé. Peut-être même subventionné! Ceci est nécessaire à l’atteinte d’un niveau de médecin dite personnalisée, surtout si nous souhaitons que cette médecine puisse être préventive et intelligente. Il ne faut plus se restreindre à mesurer les paramètres biologiques nécessaires aux diagnostics. Il faut aussi mesurer pour mieux comprendre, dépister et contextualiser.

Vaincre la peur

Jusqu’à maintenant, le frein qui ralentit une collecte de données si massive est la peur. La peur qu’une donnée critique ne soit pas traitée. Par exemple, en tant que pharmacien, je me dois de prendre action face à toute donnée problématique ou tout problème dans la thérapie auquel je suis confronté. Bien sûr, je dois aussi documenter le problème et l’intervention qui en découle. Plus de données signifie plus de travail, plus de responsabilités et pas nécessairement plus de revenus. Il en est de même pour tous les professionnels de la santé. Peu importe l’heure du jour où s’ils sont débordés ou en situation de manque de personnel. Ou de pandémie! 

Doit-on laisser cette peur freiner le cours de l’évolution de la chaîne de soins?

Ce n’est pas un secret: le système de santé manque de ressources. Le temps manque, les professionnels sont débordés et les budgets sont restreints. Ainsi, il faut aller à l’essentiel, au plus urgent, et repousser ce qui peut attendre. Parfois, cette procrastination clinique peut se poursuivre jusqu’à ce qu’un problème devienne trop important pour l’ignorer. (Auquel stade notre système de santé devient généralement assez efficace et conciliant, il faut le souligner!)

Or, nous entrons dans une ère où les innovations dans les secteurs de l’ingénierie médicale et de l’intelligence artificielle permettront de faire de plus en plus de tests, d’analyser et de stocker de plus en plus de données pour des coûts qui seront de plus en plus faibles.  Il est donc primordial pour toutes les professions de la santé de se préparer à cette nouvelle façon d’aborder les soins de santé. Dans cette nouvelle réalité que j’imagine, la science des données permet à chaque professionnel de la santé d’avoir un impact exponentiel. Ce podcast de la firme a16z illustre bien cette vision!


You can’t circumvent life, you gotta earn it
It’s the circle of life, that’s why we’re turning

No Fear, Common


Nous n’avons pas le choix

Pourquoi devons-nous prendre ce virage, malgré les risques relatifs à la confidentialité ou la peur d’en échapper quelques unes? Parce que c’est la seule façon de nous assurer de pouvoir répondre à la demande grandissante en soins. On pense bien sûr au vieillissement de la population. Mais n’oublions pas que l’accroissement des connaissances bio-médicales met aussi de plus en plus de pression sur les cliniciens. Si ceux-ci n’ont pas le temps d’apprendre et d’appliquer ce que la science découvre, nous continuerons à être soignés dans le passé.

Qui plus est, derrière cette évolution des soins se présente la promesse d’une plus grande équité dans l’accessibilité des soins. Le concept de médecin de famille, par exemple, est limité par la charge de travail maximale qu’un médecin peut assumer, en collaborant efficacement avec une équipe de soins. Et si on ajoutait à chaque GMF (groupe de médecine familiale) un professionnel en données de santé? Pourrions-nous inventer une nouvelle profession? Si les pharmaciens sont les professionnels des médicaments, n’y-a-t-il pas de la place, en 2020, pour un spécialiste capable de superviser le processus de collecte, d’accumulation et de triage de toutes ces données?  Armé des bons outils, tels que des algorithmes de détection cliniquement validés, celui-ci pourrait simultanément assurer la protection des intérêts des patients. Pourrait-on espérer, dans un tel contexte, qu’un médecin de famille puisse doubler sa patientèle? Et qui sait, peut-être qu’un jour, ça sera 10x?

À mon avis, telle sera la seule voie possible pour assurer des soins de qualité et équitables pour toute la population.

Évidemment, cette médecine centrée sur les données de santé exigerait la refonte de plusieurs lois, règlements et politiques. Il faudrait aussi s’assurer que les professions elles-mêmes partagent toutes les mêmes intérêts (ceux des patients) afin de ne pas sombrer dans le corporatisme et le protectionnisme. Car si de telles stratégies ont primé par le passé, ça ne sera certainement pas le cas au cours de ce siècle qui nous a déjà montré que les entreprises peuvent changer la loi (Uber).

Somme toute, il est évident que les bénéfices l’emportent sur les risques. Certes, il ne faut pas négliger la protection de ces données, sans quoi elles pourraient passer d’une richesse à un handicap et être utilisées à des fins de discrimination.

J’espère sincèrement que la génération de professionnels de la santé à laquelle j’appartiens partagera mon enthousiasme face aux possibilités qui nous attendent. Avec une action concertée de tout le milieu de la santé, cette évolution peut réellement devenir une révolution qui assurera des soins préventifs, intelligents et équitables pour tous!

Longue vie aux pharmacien(ne)s!

Il y a 5 ans presque jour pour jour, la profession de pharmacien subissait, discrètement mais sûrement, une métamorphose considérable. Le 25 juin 2015, au retour du férié* de la St-Jean-Baptiste, la loi 41 entrait en vigueur et concrétisait le passage du pharmacien d’un spécialiste du médicament pouvant émettre une opinion, vers un professionnel de la santé au champ de pratique élargi. C’est depuis ce jour que nous pouvons, en autre, initier, ajuster, adapter ou re-prescrire certains traitements médicamenteux.

Plus récemment et encore plus discrètement, pendant la pandémie de la COVID-19, la loi 31 est venue élargir d’avantage le spectre des situations cliniques où nous pouvons intervenir, en plus de nous autoriser à effectuer, ou du moins prendre en charge, la vaccination.

Comme mes collègues, je crois que ces initiatives vont généralement dans la bonne direction. C’est-à-dire, celle de permettre aux pharmaciens d’exercer leur jugement clinique dans un cadre précis, afin de fournir le bon médicament, au bon moment – ce qui est devenu un luxe dans notre système de santé.

Notre profession, cinq ans plus tard

Il ne faut surtout pas penser que la maturation de notre profession est complétée. Au contraire, l’environnement dans lequel elle évolue l’expose à plusieurs forces la confrontant de tous les sens. Le modèle d’analyse de Porter permet de les représenter sommairement:

porter

Modèle d’analyse de Porter appliqué à la profession de pharmacien

Évidemment, la survenue de la pandémie de la COVID-19, de par ses impacts directs et indirects sur la santé de la population et sur les finances publiques et privées, augmente la pression sur toutes les parties prenantes présentes dans ce modèle. Alors que les pharmaciens gardent fièrement le fort, dans chacune de leurs officines, il n’en demeure pas moins que les déficits s’accumulent, les comportements de nos clients évoluent et les autres professionnels s’adaptent rapidement. Tôt ou tard, ces forces se canaliseront vers  notre pratique. Ne serait-ce que via toutes les négociations à venir avec le gouvernement, les assureurs, les ordres professionnels, et chacun de nos clients!

Revue d’une journée typique d’aujourd’hui

Revenons à aujourd’hui. Ce sont quelques centaines de clients qui transitent quotidiennement dans ma pharmacie. Une majorité d’entre eux passent au laboratoire, pour un renouvellement, une nouvelle ordonnance ou une question au sujet de leur santé.

La plupart des laboratoires de pharmacie se sont dotés de chaînes de travail ultra-organisées. Si vous avez déjà eu l’occasion de voir l’envers du décors, vous avez sans doute pu voir des paniers aux couleurs multiples suivant un trajet sinueux, délimité par des frontières de duck-tape, qui les mène sur des carrousels, des glissades et des passages secrets, avant d’aboutir à l’autre bout du laboratoire, sain, sauf et sans erreur à tout coup.

Ces trajets eux-mêmes sont élaborés par des consultants spécialisés, portant des ceintures noires, qui dédient beaucoup de temps et de ressources à prévoir la chorégraphie pharmaceutique idéale. Le but ultime: contrôler le semi-chaos qui peut parfois prendre d’assaut nos laboratoires, et ne faire aucune erreur 99,99966% du temps!

Parfois lent, parfois rapide

Au fond, c’est ce semi-chaos qui rend notre profession charmante. En tant que pharmaciens, nous devons réussir à jongler avec les urgences, les semi-urgences, et les non-urgences… qui sont tout de même importantes, si on ne veut pas qu’elles mènent à d’autres urgences!

Il faut donc alterner entre le rôle de pharmacien analytique – devant un dossier de 15 médicaments – et celui du pharmacien intuitif -qui doit aller gérer un patient en pleurs. Le modèle des 2 vitesses de la pensée, popularisé dans son livre par le psychologue Daniel Kahneman, s’applique bien à la dichotomie de cette description de notre travail. Ce modèle divise les actions cognitives en 2 grandes catégories: celles issues de notre pensée rapide et les autres résultant de notre pensée lente

Plus précisément, selon Wikipedia:

Pensée rapide:

Il s’agit du système cognitif qui fonctionne de manière automatique, involontaire, intuitive, rapide et demandant peu d’effort. De manière générale, le système 1 est le système de raisonnement utilisé par défaut, car il est le moins coûteux en énergie. C’est également lui qui est à l’origine de la créativité, grâce aux multiples associations intuitives qu’il effectue.

Pensée lente:

Il s’agit du système le plus souvent – à tort – associé à la faculté de pensée. Il nécessite une certaine concentration et une certaine attention de la part de l’individu. Il intervient dans la résolution de problèmes complexes, grâce à son approche plutôt analytique.

 

Le pharmacien doit utiliser sa pensée lente pour effectuer certaines des tâches qui lui sont traditionnellement associées:

  • analyser un ordonnance,
  • calculer une dose,
  • rechercher une interaction
  • ou vérifier des résultats de tests.

Mais plus souvent qu’on puisse le penser, le pharmacien doit user de sa pensée rapide. En effet, il faut régulièrement laisser l’intuition être le guide à travers une multitude d’imprévus, lors d’une journée à l’office. Que ce soit en parlant avec un patient, un client, un autre professionnel de la santé, ou même un employé, il est impératif de laisser l’intuition être le guide, surtout lorsqu’il y a quelque chose qui cloche.  C’est ainsi qu’un pharmacien peut réaliser:

  • qu’un patient n’a rien compris de ses explications,
  • qu’un médecin se fie à un dossier qui n’est pas à jour,
  • qu’un employé a menti pour se sauver de l’embarras
  • ou qu’un patient est chez lui en besoin urgent d’assistance, par exemple.

Est-ce que des machines porteront nos sarraus?

Il faudra assurément une infinie de cycles de processeurs pour qu’une intelligence artificielle atteigne le niveau de complexité requis pour calquer le travail du cerveau d’un pharmacien usant de sa pensée rapide.

Par contre, il en faudra beaucoup moins pour apprendre à cette même intelligence artificielle à détecter les interactions, contre-indications ou les erreurs de doses. Devinez quelles sont les connaissances et les habiletés sur lesquelles l’emphase est majoritairement mise, au cours de notre formation universitaire et de nos formations continues?


50 Cent et Justin Timberlake se posait des questions similaires il y a plus de 10 ans déjà.

Baby this a new age, you like my new craze
Let’s get together maybe we can start a new phase

Ayo Technology, 50 Cent, Justin Timberlake, Timbaland


Face à cette compétition, il faut capitaliser sur nos forces uniques.

La versatilité  et l’intuition sont des atouts majeurs qui font de nous, les pharmaciens, des professionnels de confiance pour la population. Par contre, l’environnement externe et l’évolution accélérée de la technologie nous forcent à toujours nous renouveler pour assurer la pérennité de notre profession. Nous devons nous demander quelles seront les tâches quotidiennes des pharmaciens dans 10, 20 ou même 50 ans, afin de tout de suite amorcer le virage nécessaire à la réalisation de ce destin. Ceci implique de respecter, comprendre, et intégrer les technologies utiles, tout gardant le contrôle sur le bout de la chaîne de soins globale qui nous est propre. C’est l’intuition d’un pharmacien qui doit en rester le maître d’oeuvre.

Il est clair que les pharmaciens devront en faire plus avec moins. Si vous n’étiez pas convaincu, le ministre de la santé est aujourd’hui un comptable, ça ne ment pas! Ne nous faisons pas prendre au dépourvu et commençons tout de suite à réfléchir. Lorsque le temps viendra, quelle partie de leur travail les pharmaciens devront-ils déléguer à un(e) ATP, une machine, et quelle partie devront-ils ABSOLUMENT faire eux-mêmes? Le temps venu, il est fort probable que ces tâches essentielles soient les seules auxquelles nous pourrons vraiment nous dédier, et que le reste sera pris en charge par des outils numériques.

Choisissons tout de suite le bout du carré de sable le plus précieux, et protégeons-le vigoureusement. Pour le bien de la population bien sûr, mais aussi pour assurer notre survie à long terme.

*J’ai une petite pensée pour tous mes collègues pour qui ce mot (férié) ne veut pas dire grand chose d’autre que des problèmes d’horaire!

La technologie au service de notre profession, pas l’inverse!

À la pharmacie ces jours-ci, je réalise le bonheur et la chance que j’ai de bien connaître ma clientèle. Hélas, on se voit beaucoup moins. Mais chaque consultation, même si elle n’est que via téléphone, me permet non seulement de revoir mentalement le visage, mais de me rappeler de la présence de tous ces individus que j’ai appris à connaître, au fil de multiples conversations de bout de comptoir.

Toutes ces relations se sont solidifiées au fil des années. Aujourd’hui, même si nous ne sommes reliés que par un fil de cuivre, ce capital relationnel entre mes patients et moi me permet de mieux discerner leurs inquiétudes et de les adresser de la façon la plus appropriée possible. Je ne crois pas que je pourrais me sentir aussi utile et efficace dans mon rôle et dans mes interventions face à des patients avec qui je n’aurais interagi que virtuellement.

La pandémie pousse désormais les professionnels de la santé à considérer des options de téléconsultations. Celles-ci font figure de bouées de sauvetage dans un océan très agité, et c’est tant mieux. Je comprend tout à fait l’instinct de vouloir remplacer les consultations pharmaceutiques physiques par des téléconsultations.

C’est la même chose, mais avec un écran, non?

Pas du tout. Et à mesure que les portes des bureaux de consultation s’ouvriront de nouveau, bien que timidement, il faudra trouver réponse à une question ayant jusqu’ici été ignorée et repoussée, comme on le fait parfois trop bien dans le milieu de la santé: quelle place doit être laissée aux téléconsultations dans la pratique des professionnels de la santé?

Pour bien y répondre, je crois qu’il faut, dans un premier temps, laisser la technologie de côté et se poser une question plus encore plus fondamentale. Comme professionnels, quel est l’objectif précis de chacune de ces consultations?

Avant tout, identifier la raison derrière chaque consultation

L’ADN de la plupart des consultations effectuées par les pharmaciens jusqu’au 13 mars 2020 était bien simple:

  • un échange d’information est nécessaire;
  • le patient est juste là, en train d’attendre;
  • il est disponible physiquement et mentalement pour avoir une discussion au sujet de sa santé.

Se parler quelques minutes dans un coin privé semble convenir aux 2 parties. Qui plus est, en faisant ainsi, il est possible de tirer le plein bénéfice d’une interaction très riche, considérant tout le nom verbal impliqué (qui n’est pas aussi bien capté par les téléconsultations).

Aujourd’hui, le contexte est bien différent. Le patient est-il libre ou occupé? Chez lui… mais en télétravail? Est-il mentalement prêt pour une discussion concernant sa thérapie? Sera-t-il réceptif, ou vais-je parlé dans le vide pendant qu’il fait du multitâches?

Face à cette réalité que nous n’avons pas encore collectivement apprivoisée, il me semble donc tout indiqué de reculer d’un pas et de se poser la bonne question: quelle sera l’objectif de ma consultation?

  • Dois-je collecter de l’information ou en donner?
  • Dois-je convaincre, rassurer, encourager?
  • …ou plutôt avertir, transmettre, informer?
  • Est-ce qu’une téléconsultation est vraiment la réponse à toutes ces situations cliniques?

Bien sûr que non. En fait, l’objectif avéré d’un bon nombre de nos consultations pharmaceutiques pourrait être rempli par d’autres façons d’interagir, et souvent d’une façon asynchrone, moins limitante et moins intrusive. Qu’ils s’agissent de messagerie, questionnaires ou vidéo éducatifs, ils ont chacun des avantages qui gagneraient à être exploités. Ce faisant, nous pourrions élargir notre arsenal communicationnel au delà de nos usuelles consultations.

I know everything will be alright
I’ll be here waiting, I promise I’m changing
I just need TIME

Time, NF

Mais à long terme, un recours disproportionné à ces méthodes, aussi efficientes qu’elles peuvent être, ne permettent pas la même intimité et de former le même lien de confiance. À mon avis, ceci compromet le niveau d’efficacité des interventions pharmaceutiques, ainsi que celles des autres professionnels de la santé.

La solution pour des soins efficaces post-covid? Un combo de soins virtuels variés, adaptés et réfléchis, et une porte de bureau prudemment ouverte, aussitôt que possible.

Ne pas répéter les erreurs des autres

Les échecs technologiques ne sont pas rares dans le monde des affaires. Récemment, Aldo s’est mis à l’abris de ses créanciers. La COVID n’a certainement pas aidé, mais c’est le fouillis d’une implantation SAP manquée qui a fragilisé l’entreprise et l’a poussée vers cette fâcheuse position. Saupoudrer de la technologie et remanier des systèmes d’information sans bien définir le problème que l’on tente de régler, c’est la recette pour un échec dont tant d’organisations ont été victimes.  Évitons que nos patients et nous-mêmes devenions les prochaines.

L’environnement pharmaceutique est, de loin, plus complexe que celui des souliers. Au delà d’une chaîne d’approvisionnement, il y a des patients, des règlements et des bonnes pratiques à respecter. Et nous pouvons aussi nous attendre à des compétiteurs de tous genres qui arriveront au fil des années.

COVID: TROUVER DU POSITIF

La crise de la pandémie aura eu l’avantage de forcer et accélérer le développement de plusieurs solutions visant à accompagner et supporter les professionnels dans leur pratique à distance. Après avoir baigné des mois de temps dans un environnement où il n’était question que de santé publique, il sera bientôt à nous de jouer. Il reviendra à nous de remettre le patient au centre du système de santé, en faisant des choix guidés par son mieux-être.

Avant de revenir, collectivement, à un certain niveau de normalité, un moment de réflexion s’impose. Quels sont les outils requis, pertinents et efficaces pour pratiquer dans cette nouvelle ère?

Toute entreprise qui s’engage dans une transformation numérique se dote d’un plan directeur. En tant que profession, avant de nous éparpiller à travers des dizaines d’applications et de plate-formes dont le succès n’est pas garanti, prenons un instant pour bien réfléchir, et pour identifier les objectifs stratégiques de notre transformation.

PRÉSERVER NOTRE UNICITÉ

Mes années de pratique m’ont convaincu d’une chose. Les meilleurs soins pharmaceutiques passent par des pharmacies en santé, gérées par des pharmaciens propriétaires dédiés et bien outillés. Notre coffre à outils doit être bien garni, mais pas trop, et bien affûté. Nous devons accueillir l’innovation, mais ne pas nous éparpiller au-delà de ce qui nous est vraiment nécessaire. Il faut également éviter d’avoir recours à des outils trop élaborés qui ne pourraient pas être bien implantés dans la réalité dynamique de nos officines.

Des outils technologiques viendront progressivement redéfinir notre pratique. Cependant, il ne faut pas oublier ce qui nous rend unique: un lien privilégié avec le patient. Un lien qui nous permet de convaincre, expliquer, comprendre, les yeux dans les yeux, sans bande passante et sans masque. Le plus tôt nous pourrons remettre de l’avant ces attributs uniques à notre pratique, le mieux ce sera pour nos patients et nous.

Mais cette fois-ci, nous le ferons en gardons, à portée de mains, les bons outils pour faire face au futur.

Bienvenue, mais j’aurais voulu mieux vous servir.

Jamais notre clientèle, et la population en général, n’a démontré plus de reconnaissance envers notre travail et notre profession de pharmacien. Que ce soit au téléphone, sur les réseaux sociaux, ou même en personne pour les plus courageux (ou devrais-je dire les plus entêtés), nombreux sont les gens qui expriment leur support, leur encouragement et leurs remerciements envers notre équipe. Ces gentils mots sont évidemment les bienvenus. Ils nous font, pour un instant, nous sentir comme 2 humains qui partagent leurs sentiments, pas leurs microbes!

Le quotidien des équipes de pharmacie a considérablement changé au cours du dernier mois. Tous les changements auxquels les pharmacies doivent se soumettre afin de faire face à la menace de la pandémie auraient généralement créer un lot de résistance et de débats. Mais dans le contexte, ils ont dû être implantés illico. Le stress qui s’ensuit en est décuplé. C’est d’ailleurs un sujet qui commence à faire couler plus d’encre, alors que l’on recommence à s’intéresser aux humains derrière le virus. Nous n’y sommes pas immuns. Lorsqu’un client prend un instant pour reconnaître les efforts de notre équipe, c’est une seconde de soulagement bien appréciée.

Or, la seconde suivant chacun de ces remerciements, j’ai envie de répondre: « Bienvenue, mais j’aurais voulu mieux vous servir ».

Thank you, thank you, thank you, you’re far too kind / Hold your applause, this is your song, not mines – « Thank you » – Jay-Z

Jay-Z et son chandail bien choisi!

Je prend part à la profession de pharmacien depuis une quinzaine d’années bien tumultueuses au niveau du système de santé (tout est relatif ces temps-ci). Ces années m’ont convaincu d’une chose: nous devons assumer un rôle plus important dans le suivi des maladies chroniques. Nous sommes bien formés, bien positionnés et généralement efficients dans ce rôle. Nous ne sommes pas les seuls, bien sûr. Les infirmièr(e)s clinicien(ne)s et praticien(ne)s ont certainement les capacités et les outils pour prendre part activement au suivi du diabète, de l’hypertension, des maladies cardiovasculaires, auto-immunes, de la gestion de la douleur et mêmes de certains troubles de santé mentale. Ces professionnels exercent dans un contexte qui leur est propre, souvent en GMF, ce qui encadre et délimite leurs pratiques respectives. Il y a assurément de la place pour les pharmaciens communautaires, qui pratiquent dans un cadre qui leur est propre et qui ont donc l’opportunité de faire valoir leurs compétences et leurs atouts, qui sont tout à fait complémentaires. En terme de connaissances, d’accessibilité et de vitesse d’exécution, nous représentons souvent une alternative intéressante pour un patient souffrant d’une maladie chronique, cherchant à mieux soulager ou atténuer certains symptômes ou effets indésirables.

Ce rôle, nous nous efforçons et nous battons depuis des années pour l’assumer et le faire valoir. C’est à mon avis l’élément qui contribue le plus à la fierté et la mobilisation collective des pharmaciens communautaires. La pandémie nous confronte toutefois à un constat un peu amer: nous ne sommes pas tout à fait prêts.

Règle générale, nos systèmes d’information et nos processus de travail actuels ne nous permettent pas de faire ce travail de suivi des maladies chroniques de façon efficace. En fait, nos « simples » opérations de distribution accusent elles-mêmes un retard à ces niveaux, ce qui empêche notre pratique d’évoluer à pleine vitesse! Notre ordre professionnel nous talonne quelque peu afin que les standards de pratique s’élèvent. Or, notre force, c’est-à-dire l’indépendance de chaque pharmacien propriétaire, est aussi notre faiblesse lorsque vient le temps de procéder à un changement de pratique plus collectif.

Les chaînes et bannières font des efforts de plus en plus louables. Mais on les sent coincées entre leurs propres enjeux de la chaîne de distribution pharmaceutique (vive l’intégration verticale), et la complexité de leurs relations avec les pharmaciens propriétaires.

Entre-temps, le travail du pharmacien doit s’effectuer au sein d’une chaîne de travail un peu désuète, en utilisant des logiciels axés d’abord sur la facturation. Nous passons beaucoup trop de temps à gérer des tâches rudimentaires (commandes, paiements, livraisons) qui, à ce jour, devraient être beaucoup plus fluides au laboratoire. 

Si le téléphone ne dé-rougit pas et que nous passons notre temps à noter des numéros de cartes de crédit sur des bouts de papiers, ce n’est pas juste la faute du virus. C’est aussi la nôtre. 

J’envie quelque peu les médecins. La difficulté d’avoir une consultation au bon moment a été exploitée, afin d’en faire une valeur ajoutée qui a stimulé l’innovation. Même si leur modèle d’affaire n’est pas le plus élégant, l’entreprise Bonjour Santé a su capitaliser sur cette proposition de valeur auprès des patients. L’entreprise, bien appréciée par la majorité des patients, a d’ailleurs accéléré le développement d’outils informatiques qui ont pu être déployés très rapidement durant la crise, pour le bénéfice des soins!

Nous atteignons vraisemblablement le pic de cette crise, du moins celui de sa première vague. Au moment où d’autres professionnels de la santé doivent aller au front et soigner les patients atteints par la COVID-19, le temps aurait été parfait pour les pharmaciens pour lever la main et dire:

« Allez-y, nous prendrons soin des malades chroniques pendant ce temps »!

Mais nous sommes contraints à redoubler d’efforts pour garder à flot nos opérations de distribution plus régulières, faute d’avoir su les rendre plus efficaces au fil du temps. Ce sont nos soins pharmaceutiques plus avancés qui en écopent, malheureusement. 

Nous ne sommes pas les seuls. Chaque profession aura un post-mortem à faire à la fin de cette crise. Je crois que cet enjeu devra être au coeur du nôtre. 

Il faut savoir profiter de chaque crise. En l’honneur de tous les patients qui perdent le combat face au virus, faisons-nous un devoir d’en tirer une leçon dont pourront profiter les patients de demain. Et lors de la prochaine crise, je serai fier de répondre:

« Bienvenue, et je suis fier de mieux vous servir »!

Faire face à la pandémie avec mon RAP.

J’ai grandi avec le hip-hop et j’en suis un éternel fan. J’ai moi-même passé des années à composer, enregistrer et remixer ce genre de musique. Les artistes hip-hop peuvent être critiqués pour de nombreuses raisons, telles que leurs comportements ou leur language cru. Il vaut tout même la peine de s’attarder à certaines des caractéristiques propres à ce mouvement afin d’en tirer certaines leçons, ou du moins, de s’en inspirer. Dans mon cas, j’y tire beaucoup de mon énergie, de ma résilience et de ma motivation. Et comme je le laisse présager dans le titre de cet article, je m’y tourne encoure plus aujourd’hui, à travers cette période stressante.
 
Le hip-hop est souvent synonyme avec un language explicite, ce qui peut être offusquant et repoussant pour certains, avec raison. Or, derrière ces paroles non polies se trouvent des individus qui disent les choses comme ils les voient et les vivent, sans filtre ni détour, et sans avoir peur des mots.
 
Si vous êtes diplomates, vaut mieux passer par dessus cette technique. Mais pour à peu prêt n’importe qui d’autres, et surtout en affaires, ce franc-parler et cette façon d’illustrer très concrètement les enjeux peuvent constituer un atout, lorsqu’utilisés à bon escient et à juste dose. N’y a-t-il pas là un peu de ce que nous admirons de nos politiciens, présentement, à travers la crise?
 
Ben Horowitz voit les choses ainsi également. Dans son livre The Hard Things About Hard Things, chacun des chapitres commence avec un extrait d’une chanson hip-hop donnant le ton au chapitre. (La liste de ces quelques titres peut être retrouvée sur Spotify!)
 
Certains extraits de chansons hip-hop m’inspirent de la même façon. La période que nous vivons nous exige de rester motivés, déterminés et résilients, dans un environnement qui met nos valeurs, notre endurance et notre gestion du stress à l’épreuve. Je retourne donc quotidiennement à certaines de ces courtes phrases, question de me préparer à faire face à la journée à venir.
 
En voici quelques unes, au cas où l’une ou l’autre parviendrait à vous inspirer ou à vous revigorer!
 

geazy
 
 

Want some advice, well here is my gift: you’re falling off, you should go speed up the process, go somewhere and find a high cliff (« Nothing to me » – G-Eazy)

Quand j’entend ce bout de chanson, je m’imagine le dire à un coronavirus. Il ne faut pas baisser la garde. Mais grâce à l’étonnante mobilisation sociale et politique dont nous sommes témoins, nous gagnerons la bataille et le virus tombera du « pic de la courbe. » Alors, je ne me prive pas de le lui dire (dans ma tête, j’espère qu’il n’est pas autour de moi quand même). Après tout, il n’est pas de taille. Il est mille fois plus petit que l’épaisseur d’une feuille de papier. Ce petit rituel me prépare à me défendre contre lui, toute la journée, à la pharmacie, afin qu’on le fasse enfin tomber de la falaise!


2chainz

 

If it wasn’t for the struggle, then I wouldn’t be me (« 4 AM » – 2 Chainz)

Même avec la motivation de G-Eazy, les journées sont néanmoins remplies de stress, d’imprévus et d’impatience. Mais comme le dit 2 Chainz, s’il n’y avait pas de combat à livrer, je ne serais pas le même. Alors, ne reculons pas devant le combat qui se dresse devant nous. Nous écrivons un petit bout d’histoire, et cette crise fera partie de la marque que nous y laisserons!


 

pushat

 

They say don’t let money change you, that’s how we know money ain’t you (« Come back baby » – Pusha T)

La pandémie n’a pas épargné les pharmacies et les cliniques. Les baisses de revenus se font sentir dans nos commerces également, et le milieu médical « communautaire » fonctionne au ralenti. Mais surtout, il peut devenir éreintant d’assurer la poursuite de nos opérations. À raison de plus de 70 heures par semaine, la pharmacie abritent quelques douzaines d’employés et des clients parfois malades, arrogants, impatients ou complètement insouciants face à la situation. Je suis pleinement conscient que les pharmacies tireront malgré tout leurs épingles du jeu plus facilement que bien d’autres entreprises pour qui c’est le désastre. Dans tous les cas, Pusha T me rappelle que mon identité, personnelle et professionnelle, doit outrepasser les considérations monétaires. Je transmet bien humblement cette pensée à ceux qui sont encore plus durement frappés.


nas

 

Whatever it is rent it – and never buy it, it’s all temporary possessions – we don’t own nothing on this earth but our soul, and that’s the lesson (« Highly Favored » – Nas)

Sur un ton un peu plus profond, Nas offre des paroles qui mènent à une réflexion face à la maladie et la mortalité à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement. À quel moment est-ce devenu coutumier de regarder un graphique dénombrant des morts par milliers, en prenant une bouchée de son lunch? La tristesse nous rattrapera peut-être lorsque nous pourrons accorder une plus grande partie de nos pensées à tous ces décès. En attendant, en ces jours où les vêtements à la mode et les condos en Floride deviennent presque des vestiges d’une autre époque, nous ne pouvons plus échapper à une réalité élémentaire pour tous les vivants que nous sommes: il n’y a que votre « âme » qui ne vous appartienne vraiment… et de laquelle vous pouvez vous approcher à moins de 2 mètres!


DariusRucker

 

When was the last time, you did something for the first time? (« For the First Time » – Darius Rucker)

Ok, pas trop hip-hop comme chanson. J’ai 2 enfants, alors, tôt ou tard, je dois trouver de la musique plus appropriée au contexte familial! Cette chanson fait bien le travail. Mais surtout, elle amène un peu de positivisme à l’époque du confinement général. En effet, je vous pose la question; quand avez vous, pour la dernière fois, fait quelque chose pour la première fois? (Porter un masque pour faire l’épicerie ne compte pas.) Coincé entre 4 murs par un jour de pluie, il n’y a pas de meilleur moment pour faire en sorte que la réponse devienne « aujourd’hui »! Apprenez quelque chose de nouveau!


Through every dark night, there’s a bright day after that so no matter how hard it get stick your chest out, keep your head up, and handle it  (« Me against the world » – 2pac)

Cet extrait de 2pac n’a nullement besoin d’explications. En fait, je crois que tout le monde pourrait se retrouver à travers l’entièreté de cette chanson. Alors sur ce, je vous laisse aller faire votre propre liste de lecture « Me against COVID-19! »

Ils ne faut pas oublier ces malades-là

La découverte d’un vaccin ou d’un traitement efficace contre la COVID-19 serait présentement l’avancée scientifique la plus bénéfique à l’humanité, c’est indéniable. Que ce soit sur le plan de la mortalité, de la morbidité, de l’impact social, psychologique ou même économique, toute arme pour stopper ce virus aurait un impact démesurément positif sur la vie de chaque être humain. Je ne peux pas imaginer une autre innovation, passée ou potentielle, qui serait d’une ampleur similaire.

Mais pendant que ce virus nous ébranle et que les chercheurs passent nuit et jour à diriger tous leurs efforts vers cette noble poursuite, bon nombre de maladies risquent de tomber, pour un temps, dans l’oubli collectif. Et pire encore, dans l’oubli de la communauté scientifique.

Je crains particulièrement ce qui attend les cliniciens dans cet après-COVID-19. Tout de suite après le premier grand soupir de soulagement auquel nous rêvons tous. Il y aura du retard, beaucoup de retard, à rattraper.

Pandémie ou pas, les pharmacien(ne)s sont quotidiennement confrontés à plusieurs patients souffrant d’un éventail de problèmes de santé. Voici ceux qui me viennent en tête aujourd’hui (je ne prétend pas en faire une liste exhaustive) et qui risquent d’être, temporairement, les perdants de cette concertation des efforts cliniques et scientifiques vers le COVID-19.  


Oncologie

Il est complètement crève-cœur de parler avec des gens dont les conjoint(e)s subissent de chimiothérapie ces jours-ci. Comme ces patients sont évidemment très à risques, ces couples ne peuvent même pas se voir. C’est le confinement total, dans une période où le besoin de support est à son comble. Les cancers ne lisent pas les nouvelles et continuent, à travers cette pandémie, d’être le fléau du siècle. Fâcheuse conséquence de l’augmentation de la longévité, ils continueront de causer énormément de souffrance, alors souhaitons que la recherche de traitements plus efficaces et mieux tolérés restera une priorité pour les scientifiques.


Les bactéries

Je me souviens de mon premier cours de microbiologie au cégep. On y apprenait le concept des mutations génétiques et des résistances bactériennes face aux antibiotiques. Depuis ce jour, je suis à la fois fasciné et effrayé à l’idée d’une super-bactérie mutante, résistante à tous les antibiotiques, qui infecterait le monde afin d’en prendre possession. À ce jour, le 21e siècle nous confronte plutôt aux virus – plus particulièrement les coronavirus, avec l’épidémie de « SRAS-Cov » de 2003 (avec 43 morts au Canada) et du redoutable « SRAS-CoV-2 » qui se propage actuellement sur toute la planète. La virologie verra sans doute un bond marqué de l’intérêt qui lui est dédié. Et souhaitons le, de nouveaux antiviraux seront probablement sur nos tablettes au cours de la prochaine décennie. Par contre, la phénomène de la résistance des bactéries – les gros cousins des virus – face à nos antibiotiques, reste un problème majeur en perpétuel développement. L’ERV, le SARM et le C. Difficile n’ont pas fini de causer des éclosions fatales. Le développement de nouveaux antibiotiques afin de renouveler notre arsenal est essentiel, mais ces efforts écoperont sans doute de la concertation des forces actuelles vers la production d’un vaccin. Il demeure primordial que des recherches se poursuivent de ce côté, afin d’être prêt à affronter la prochaine attaque, qui pourrait venir des bactéries. Chose certaine, si jamais mes enfants manifestent l’intérêt de s’orienter vers la microbiologie, je les encouragerai chaudement! Le travail n’y manquera pas, malheureusement.


Les maladies chroniques

La gestion des maladies chroniques repose sur de saines habitudes et des suivis réguliers. En période de crise, ce sont 2 choses qui tendent à être involontairement mises de côté. Certes, il est possible de voir, chaque jour, des dizaines de marcheurs sur les pistes cyclables de ma banlieue. Mais pour chacun d’eux, il y a probablement une centaine d’individus, confinés, stressés et dont les habitudes alimentaires et de sommeil se voient complètement chamboulées, et pas pour le mieux. Qui aurait pu imaginer, il y a quelques années à peine, un monde dans lequel tous les gyms, installations sportives, bibliothèques, musées et studios de yoga sont fermés, tandis que l’alcool, le cannabis et le service au volant restent entièrement disponibles? Même avec toute la volonté du monde, nos patients souffrant de diabète, d’hypertension et de MPOC, pour ne nommer que celles-ci, constateront assurément l’impact négatif de cette crise sur leurs maladies. Mais ils pourront tout de même se compter chanceux d’être parmi ceux qui en sortent indemnes. Toujours est il que ce sera un gros travail qui attend les cliniciens pour la suite de 2020.  



Les troubles dépressifs et anxieux


Il est triste de constater que les traitements actuellement prescrits et utilisés pour contrôler les dépressions et les troubles anxieux ne fonctionnent pas pleinement pour plusieurs patients, et pas du tout pour d’autres. Ces individus, à priori plus vulnérables, sont doublement mis à l’épreuve par le stress psychologique supplémentaire que représente le confinement chez soi. Aujourd’hui, plusieurs d’entre nous commençons à sentir les conséquences négatives de ces mesures drastiques d’isolément préventif: irritabilité, tristesse, angoisse, insomnie. Je n’ose pas imaginer ce que ce fardeau représente pour un individu souffrant déjà d’une maladie mentale. De plus, la perte d’un emploi, un stress conjugal ou familial et la peur de l’inconnu ou de la maladie sont autant d’éléments pouvant mettre le « feu au poudre » à des troubles anxieux préexistants. Ces gens, naviguant déjà difficilement sur les vagues usuelles du quotidien, risquent de ne pas sortir psychologiquement indemnes de cette tempête. Le suivi psychiatrique de ces patients est primordial et le sera de plus en plus au cours des prochaines semaines. Il en va de même pour le développement de nouveaux traitements innovants. Certaines de ces initiatives impliquent des molécules sensibles au plan légal (ex: psychédéliques). Souhaitons que les inévitables engorgements juridiques, législatifs ou politiques ne repousseront pas l’arrivée de nouvelles avenues thérapeutique grandement attendues.

Il y a sans doute des dizaines de maladies et de « catégories » de patients qui sont à risque de subir de grands impacts négatifs, directs ou indirect, de la pandémie actuelle. Ces patients composent le quotidien des professionnels de la santé, et continueront de nécessiter des soins qui deviennent de plus en plus difficiles à prodiguer. Il est important de ne pas oublier qui sont ces malades, afin d’être prêts à les aider aussitôt que possible.

Prenez soin de vous, de vos proches, et pourquoi pas des malades qui vous entourent, si vous en avez la possibilité!

Au delà du Purell et des nouvelles!

Nous pouvons nous compter chanceux de vivre dans une époque où les pouvoirs de la connaissance, de la technologie et d’une société démocratique peuvent se combiner de façon généralement intelligente pour réduire les conséquences d’une pandémie. On ne connaît par encore la fin de l’histoire, mais de toute apparence, on s’en sortira mieux ce qu’ont connu nos prédécesseurs.

Il y a toutefois un autre côté à cette médaille. À mon avis, l’appropriation de la crise par l’état et les médias favorise fortement le stress chronique et la déresponsabilisation individuelle de sa santé. 


Les flash-nouvelles: pour le meilleur et pour le pire

Je suis hésitant à blâmer les médias, dont l’utilité est évidente en temps de crises. N’empêche que l’offre de contenu médiatique ne craint pas les virus et ne se met pas en quarantaine! Les heures d’antenne et fils d’informations de toutes les plate-formes doivent être comblées, et avec les sports en quarantaine, il n’y a plus qu’un sujet suscitant notre attention: le virus.

Jusqu’à un certain point, je suis bien content de pouvoir me faire une idée de l’évolution de la situation en quelques clics. Mais lorsque les alertes se succèdent, entre-mêlées de reportages sensationnalistes d’altercations pour du papier de toilettes, on se retrouve soumis à un stress grandissant et persistant. Avec chaque heure qui passe, ce stress devient chronique.

Il est grand temps de rationaliser, et je dirais même réglementer, ces communications incessantes. Les écritures rouges, les mises à jours continuelles, les alertes venant de chaque entreprises à qui j’ai un jour donné mon courriel m’avisant qu’ils font le ménage… Vu la nature de la situation, n’est-ce pas envisageable de limiter les nouvelles à 2 points de presse par jour, rassemblant le plus d’instances possibles? Est-il vraiment pertinent et bénéfique d’avoir de l’information en temps réel sur la pandémie? De rafraîchir les décomptes? Est-ce vraiment pour le mieux de notre santé? Sans compter que, plus les nouvelles sont sensationnalistes et exagérées, plus elles tendent à polariser les opinions. Ainsi, une majorité de la population panique tandis que d’autres crient au complot. Une telle divergence dans la perception des nouvelles peut nuire, à un certain point, à l’exécution optimale des mesures préventives.

 

Purell ou pas, prendre soin de soi.

Pas du Purell? Pourquoi ne pas mélanger de la vodka et de la vaseline, en faire une chaîne youtube et  les vendre 100$ la bouteille? 

(SVP ne faites aucune de ces choses)

Encore mieux, vous pouvez faire ce dont personne parle et ce que personne ne me demande à la pharmacie. Ce qui minimisera les risques de complication pour vous et par le fait même de propagation à votre entourage. Vous pouvez prendre soin de votre santé.

Se protéger du stress chronique

Une étude a montré que les individus exposés à un stress chronique sont jusqu’à 2 fois plus à risque de développer une infection virale. Au-delà des statistiques, c’est une évidence pour quiconque ayant eu un feu sauvage en fin de session ou un rhume de 3 semaines lors de stress au travail: le stress chronique est le meilleur ami des virus. Donc il n’est pas le vôtre!

Le sommeil à l’ère du défilement infini

Comment fermer les yeux lorsque chaque app de votre iPhone propose un flux infini d’alertes présentées sur 12 pouces carrés de lumière bleue? Presqu’impossible. Surtout considérant que l’insomnie est déjà un problème chronique de notre époque. Quoi qu’il en soit, notre système immunitaire s’en fiche. S’il n’a pas les 7 à 8 heures de sommeil dont il a besoin, c’est un taux gonflé de cortisol qui se chargera de nous garder dans un état d’éveil forcé. Un état dans lequel les fonctions immunitaires en prennent un coup et où la ghreline nous porte à manger n’importe quoi.

Quoi se mettre dans la bouche? (surtout pas vos doigts!)

Les divers suppléments sur le marché n’ont jamais pu démontrer une claire efficacité contre les éclosions de virus. En toute transparence, je prend régulièrement des multivitamines, du zinc en hiver et ponctuellement des produits de ginseng. Mais je n’ai aucune grande attente envers ces produits et je n’en suis pas moins vigilant au quotidien. De plus, je sais qu’ils sont sans risques pour moi.

S’il n’est pas indiqué de recommander largement de tels produits, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour s’alimenter le mieux possible. Tant qu’il restera des fruits, légumes et sources de protéines de qualité dans les supermarchés, les nutriments dont a absolument besoin notre système immunitaire pour combattre le virus sont à notre disposition. Pour ceux qui n’avait pas tenu leurs bonnes résolutions de janvier d’opter pour une bonne alimentation, c’est le temps de s’y remettre!

Bouger, même enfermé

Pour ceux qui parviendront à se libérer quelques minutes de leurs enfants au cours des prochaines semaines, pourquoi ne pas en profiter pour faire un peu d’exercice? Je ne connais pas de meilleur moyen de canaliser l’abondance d’hormones de stress à laquelle nous ferons tous face. Inutile de spécifier que l’exercice (modéré ou à intervalles plus intenses) est également une excellente façon de maintenir un système immunitaire prêt à combattre le mieux possible les infections des voies respiratoires.

 

En prévention, c’est à nous de jouer

Je ne suis pas expert en infectiologie ni en psychologie. Je ne souhaite pas non plus remettre en cause les mesures préventives de la propagation du virus mises en place – bien au contraire. Mais en tant que pharmacien, je me considère bien placé pour constater l’importance d’une bonne hygiène de vie face aux problèmes chroniques et infectieux. Je souhaite sincèrement que ce message prenne une plus grande place dans l’actualité.

Et pourquoi ne pas en faire de nouvelles habitudes de vie permanentes? Il est encouragent de voir que le virus ralentit à certains endroits. Mais si l’histoire peut nous apprendre quelque chose aux sujets des pandémies, c’est que tôt ou tard, il y en aura d’autres…

Du Purell aussi, apparemment!

Comment ne pas s’endormir après votre lunch!

Pourquoi est-il si difficile de garder les yeux ouverts après un gros lunch au bureau? Surtout lorsque le dîner est fourni, lors d’une activité ou conférence par exemple?

Avec la mode des diètes « low-carb », « kéto » ou « paléo », nous avons tous entendu parler de l’index glycémique (IG), directement ou indirectement. C’est un indice qui classifie les aliments, non pas selon la QUANTITÉ de sucre simple qu’ils contiennent, mais plutôt selon la RAPIDITÉ à laquelle ce sucre est rendu disponible à l’absorption. Cet indice contient une bonne partie de la réponse à notre question!

Une fois absorbé, le sucre simple – ou glucose – envahit notre sang afin d’être distribué un peu partout et devenir le carburant pour les moteurs de nos cellules. Or, au-delà d’un certain niveau correspondant à nos besoins de base, le corps s’alerte et se donne mission de ne pas laisser ce taux de sucre inutilement élevé. Il ne faut pas laisser nos fins organes se caraméliser! C’est à se moment que l’insuline est sécrétée.

Loin d’être inutile, le sucre circulant sera donc dédié à de nobles causes, telles la croissance et la réparations de nos cellules. Tant qu’à avoir mangé toutes ces sandwiches, salades de patates et bouchées desserts, aussi bien utiliser tout ce sucre pendant qu’il passe!

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Mini-burgers, méga-dodos

L’insuline se met à l’oeuvre

Le contre-maître de ces rénovations internes, c’est l’insuline. Cette hormone ouvre littéralement la porte au sucre qui souhaite entrer dans nos cellules et y accomplir de grandes choses, question de blanchir sa réputation de mauvais nutriment.

Or, le sucre en lui-même ne parvient pas à construire grand chose; il doit travailler en équipe. Les « blocs » essentiels à la construction ayant lieu dans nos cellules sont les acides aminés provenant des protéines que nous avons (idéalement) consommées au cours de notre repas, probablement cachées entre 2 bonnes épaisseurs de pain focaccia. Ainsi, la porte s’ouvre également toute grande pour ces solides acides aminés, plus spécifiquement ceux à chaîne latérale ramifiée (retenez l’abréviation anglaise BCAA).

Pendant les travaux cellulaires…

Nous voilà donc en présence de sucre en bonne quantité, d’insuline ordonnant la reprise des travaux cellulaires et de solides acides aminés se dirigeant à l’intérieur de nos cellules. Que reste-il dans notre sang, une fois tous ces nutriments déplacés? Plein de choses évidemment, mais assurément du tryptophane en proportion soudainement plus élevée. Pourquoi? Cet acide aminé n’est pas assez solide pour suivre les autres… mais assez agile pour monter jusqu’au cerveau et assumer le rôle qui lui est propre: se transformer en molécule de bonheur (sérotonine) puis en molécule de sommeil (mélatonine).

Bref, pas si longtemps après ces quelques assiettes de buffets en apparence bien raisonnables, nous voilà en train d’expérimenter le résultat d’un beau cocktail: un taux de sucre vacillant, de la sérotonine incitant à socialiser et se détendre, et très bientôt un peu de mélatonine qui fera bailler à quelques reprises!

Pas si simple, mais presque

Il est important de noter que de nombreux autres facteurs ou phénomènes peuvent influencer l’état dans lequel on se retrouve après un repas. De plus, les personnes dont le métabolisme est plus ou moins perturbé par de la résistance à l’insuline ou un diabète ne vivront pas exactement la même cascade biochimique, quoi qu’ils risquent tout de même de sentir une certaine fatigue. Et je ne parle pas des dîners d’affaires où l’on prend un verre, évidemment!

Néanmoins, la consommation d’aliments à index glycémique élevé est sans aucun doute le facteur principal expliquant la fatigue post-pandriale. Ainsi, pour énergiser vos après-midis, choisissez des options à IG bas. Les tableaux à cet effet peuvent être utiles, mais les aliments optimaux sont ceux qui ne s’y retrouvent pas du tout! Et si c’est un midi traiteur, les chances sont pour que vos meilleures options soient les œufs cuits durs et les crudités!

Ne pas laisser nos pharmacies devenir des showrooms!

En échangeant des souhaits de bonne année, un ami bien au fait de mon intérêt pour l’évolution de la pharmacie m’a fait part d’une quantité importante de publicité Facebook faite par un nouveau « pseudo-PillPack » québécois.

Ce concept de pharmacie en ligne était bien séduisant lors de ses débuts, il y a quelques années déjà. Aujourd’hui, j’y vois beaucoup moins de valeur et d’intérêt qu’auparavant. Il est certainement bien excitant de louer un petit local à bas prix, se concocter un WordPress au goût du jour et voir s’accumuler des commandes de prescriptions chroniques, tout en évitant de passer par un franchiseur traditionnel. Pour le client, une belle boîte recyclable, quelques dollars en moins et une livraison gratuite. Une stratégie d’affaires qui n’est pas sans rappeler… un spécial poulet familial de chez Benny!

Avec le recul, ce modèle en lui-même me semble détruire plus de valeur qu’il n’en créé. Alors qu’une nouvelle décennie s’amorce, nous devons développer des stratégies pour réussir en 2029, pas en 2019. Il est vrai qu’un juste prix et une accessibilité accrue seront primordiaux au succès de toutes entreprises. Mais pour assurer le succès de nos pharmacies au cours des 10 années, il faut centrer nos efforts sur le succès global de notre client. Et ça n’arrivera pas seulement en lui livrant une belle boîte aux 3 mois.

Des pharmacies, pas des showrooms!

Il devient de plus en plus courant que les clients de ces pharmacies en ligne, et même des gens ayant recours à des consultations médicales en ligne, se retournent vers ma pharmacie et viennent y chercher les soins complémentaires au service visiblement incomplet qu’ils ont reçu en ligne. Ils ont parfois besoin d’un sirop avant la nuit, d’une crème pour un rash trop flou pour l’écran, de faire prendre une pression artérielle… Il semble que le réflexe soit, avec raison, d’aller à la pharmacie du coin!

Est-ce que ma pharmacie est devenue un showroom? Un dépanneur quand l’épicerie est fermée?

Derrière ce mouvement se cache un besoin qu’il ne faut pas ignorer

Reste que l’existence même de ces initiatives de pharmacies en ligne est le signe indéniable d’un besoin non comblé de nos clients. En 2020, les jeunes sont de plus en plus vieux, et les vieux sont de plus en plus jeunes! Il devient essentiel d’élargir le spectre des interactions que nous avons avec ceux-ci. De multiplier les moyens de communiquer et de transiger, dans le respect de notre profession et de la sécurité des patients. La relation doit commencer bien avant le comptoir « DONNER » et se terminer bien après le comptoir « RECEVEZ »!

La pharmacie est un domaine particulier…

…mais pas tant que ça. Il n’est pas toujours simple de se comparer directement à d’autres secteurs des services ou du commerce de détail. Néanmoins, j’ai été inspiré par la lecture de Trailblazer, le récit autobiographique du PDG de Salesforce (le CRM bien connu et dont nous pourrions sans doute bénéficier!)

On peut y lire l’exemple de la transformation des magasins de rénovation Home Depot. Bien que différents, nos secteurs d’activités présentent des similitudes. En effet, le poids de la présence physique dans l’expérience client est considérable pour différentes raisons:

  • les conseils sont importants;
  • les erreurs peuvent avoir de fâcheuses conséquences;
  • les biens matériels ne sont pas toujours simples à livrer ou à transporter;
  • le besoin est parfois urgent.

Comme les pharmacies, Home Depot a connu de bonnes années. Les taux d’intérêts à la baisse et la télé-réalité de rénovation ont créé un engouement sans précédent pour la rénovation. Les magasins ont connu des années très lucratives et une certaine complaisance s’est installée. Puis, le magasinage en ligne est devenu ce que l’on connaît aujourd’hui et les magasins Home Depot sont devenus, peu à peu, des showrooms. Les clients allaient y faire leurs recherches et même s’informer auprès des conseillers, puis retournaient à la maison pour acheter en ligne à moindre coût. Pas si différent de ce que je vis, lorsque je répond aux questions d’un patient diabétique enrhumé, achetant ses prescriptions en ligne! Peut-être me rapportera-t-il 2 ou 3$ de profit sur un sirop pour la toux, tandis que son assurance collective verse des centaines de dollars chaque mois à un pharmacien qu’il n’a vraisemblablement jamais vu en personne, et à qui il n’a possiblement jamais parlé.

Le succès passe par une vue d’ensemble des besoins de nos clients

Au terme d’un virage technologique orchestré par Salesforce, Home Depot s’est repositionné comme le choix par défaut pour tout ce qui concerne la rénovation. En considérant l’ensemble des besoins de leurs clients voulant réussir leurs rénovations, l’entreprise est parvenue à assurer son propre succès. Les magasins n’ont pas été complètement métamorphosés, mais la relation avec le client a été repensée. Les conseils et les ventes en magasin sont dorénavant complétés par des services de location, d’installation, de livraison tandis que la plate-forme d’achats en ligne combine l’efficacité d’un entrepôt central pour certains items avec la proximité de magasins bien stockés pour les autres. Et au coeur, un CRM (Customer Relationship Management) qui tisse un lien plus fort que jamais avec le client.

En tant que pharmaciennes et pharmaciens, mes collègues et moi avons la chance de tisser et d’entretenir des liens de confiance privilégiés avec notre clientèle. Mais en 2020, il devient nécessaire de gérer ces milliers de relations de façon utile, intelligente et respectueuse. J’aimerais bien pouvoir, un jour, brancher mon logiciel d’officine dans un module CRM, et multiplier les façons de communiquer et de transiger avec ma clientèle!

Ne pas se regarder le nombril

En santé, il est vrai que tout est un peu plus complexe. Mais il n’y a aucun doute que la décennie qui s’amorce nous fera vivre une évolution accélérée du commerce de détail. J’espère que nos pharmacies assumeront pleinement leur rôle et resterons des incontournables pour leurs clients. Nous sommes des professionnels uniques qui opérons des entreprises uniques. Mais les défis auxquels nous sommes confrontés ne le sont pas tant que ça! Inspirons-nous des autres afin de tirer profit de nos forces (proximité, lien de confiance, accessibilité) et de bien adresser nos faiblesses (être plus connectés, flexibles et proactifs dans nos services, nos soins et nos façons de transiger).

Et d’autre part, sensibilisons les patients à l’importance d’être cohérent dans leur choix de pharmacie. À mesure que le rôle des pharmaciens s’élargit, je ne me gêne pas pour affirmer que c’est leur succès qui est en jeu également.

Peu importe votre vision pour la pharmacie, en tant que professionnel de la santé, je termine en vous souhaitant une bonne année 2020 remplie de santé!

 

Ma lettre à Mme McCann, ma député et Ministre de la santé

Récemment, le ministère de la Santé a surpris les pharmaciens avec un amendement surprise qui vient réduire une de nos sources de revenu importantes. Et ce, au même moment où on s’attend à ce que nous allions plus loin dans les soins offerts à la population. Cette situation mérite d’être exposée au grand public. Ainsi, je vous invite à prendre connaissance de ma lettre et à partager!

Mardi le 3 décembre 2019

Madame Danielle McCann
Ministre de la Santé et des Services sociaux
Ministère de la Santé et des Services sociaux
Édifice Catherine-De Longpré
1075, chemin Sainte-Foy
15e étage, Québec (Québec)
G1S 2M1

Madame la Ministre,

Ma famille et moi sommes résidents de St-Constant depuis plus de 30 ans. Inutile de vous présenter la démographie exceptionnelle de notre région. La population est en pleine croissance. Les jeunes familles et les aînés se côtoient. Conséquemment, les besoins de santé ne font qu’augmenter.

Nul doute que cette réalité a influencé mon choix de devenir pharmacien. Ainsi, depuis maintenant une douzaine d’années, je dédie ma carrière aux soins de première ligne en santé.

Ce parcours m’a mené à devenir pharmacien propriétaire en 2013. Quelques années qui ont passé bien vite, mais qui ont fait vivre énormément d’émotions à mes collègues et moi. Nous nous sentons à la fois privilégiés d’enfin pouvoir avoir un impact dans la santé de notre communauté qui est à la hauteur de nos compétences. Mais nos entreprises et nous sommes également fragilisés par des années de coupures et d’incompréhension face à notre réalité. Les attentes envers nos pharmacies – des PME employant et soignant la population de votre propre circonscription – ne font que s’accroître tandis que les ressources et les moyens de rendre les soins en question se font toujours attendre. Pire encore, avec l’amendement au projet de loi 31 modifiant les montants éligibles en allocations professionnelles versées aux pharmaciens pour les produits non-inscrits à la liste de la RAMQ, on vient carrément et aveuglément sabrer dans ceux-ci, sans raison apparente.

Le gouvernement précédent a reconnu que les allocations professionnelles étaient des sommes nécessaires à l’offre de services professionnels en pharmacie. Et si ça ne suffit pas, je vous invite personnellement à venir constater les services qui sont offerts à tous les citoyens de votre circonscription dans ma pharmacie, et qui ne suffisent tout simplement pas à la demande.

Quant aux co-assurances qui restreignent l’accès aux nouveaux services en pharmacie, l’impact est définitivement plus grand qu’il ne semble l’être. À titre d’exemple, des médecins de la région m’interpellent directement en se plaignant – avec raison – des demandes de renouvellements qui s’empilent sur leurs bureaux et qui leur font perdre du temps précieux, à eux aussi. Quelques dollars de co-assurance peuvent sembler négligeables, mais la perception de la population est tout autre. “Pourquoi me demande-t-on de payer pour des soins offerts par le système public?”

Nous avons fait un choix collectif de s’offrir des soins de santé de qualité, et j’ai fait le choix personnel d’y dédier ma carrière. Pour le bien de la population qui vous a élue, donnez nous les moyens de répondre à l’appel qui nous est lancé, une fois pour toute.

Dans l’attente de votre collaboration, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, mes sincères salutations.

Maxime Bissonnette-Roy, citoyen de Sanguinet et pharmacien-propriétaire